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organisation de la matière vivante, cela ne veut pas dire, comme l’ont cru les vitalistes, qu’il y ait incompatibilité entre les phénomènes de la vie et les phénomènes physico-chimiques ; il y a au contraire, comme nous l’avons vu, harmonie parfaite et nécessaire, car les causes qui détruisent la matière organisée sont celles qui la font vivre, c’est-à-dire manifester ses propriétés. Cela ne prouve pas davantage qu’il y ait combat ou lutte entre deux principes opposés, l’un de vie, qui résiste, l’autre de mort, qui attaque et finit toujours par être victorieux. En un mot, il n’y a pas dans les corps vivans deux ordres de forces séparées et opposées par la nature de leurs phénomènes, les unes qui créent la matière organisée avec ses propriétés caractéristiques, les autres qui la détruisent en la faisant servir aux manifestations vitales ; il n’y a que des élémens histologiques qui fonctionnent évolutivement et tous suivant une même loi.

Nous savons qu’il y a des élémens musculaires, nerveux, glandulaires, qui servent aux manifestations des phénomènes de sensibilité, de mouvement, de sécrétion. Il y a de même des élémens ovariques et plasmatiques qui ont pour propriété de créer les êtres nouveaux et d’entretenir par la nutrition les mécanismes vitaux ; mais ces élémens créateurs et nutritifs, comme les autres, s’usent et meurent en accomplissant leurs fonctions, qui donnent elles-mêmes les conditions d’une rénovation incessante. De même dans le jeu d’une machine inerte les ouvriers se fatiguent et dépensent aussi bien leurs forces, soit qu’ils travaillent à construire et à réparer les rouages de cette machine, soit qu’ils travaillent à les faire fonctionner et à les user. Les phénomènes d’organogénèse ou de création organique ne sont donc ni plus ni moins mystérieux pour le physiologiste que tous les autres. Ils résident dans des élémens histologiques caractérisés, et ils ont leurs conditions physicochimiques d’existence bien déterminées.

L’élément de création organique des êtres vivans est une cellule microscopique, l’ovule ou le germe. Cet élément est sans contredit le plus merveilleux de tous, car nous voyons qu’il a pour fonction de produire un organisme tout entier. On ne s’étonne plus des phénomènes qu’on a sans cesse sous les yeux ; comme dit Montaigne, « l’habitude en ôte l’étrangeté. » Cependant qu’y a-t-il de plus extraordinaire que cette création organique à laquelle nous assistons, et comment pouvons-nous la rattacher à des propriétés inhérentes à la matière qui constitue l’œuf ? Quand la physiologie générale veut se rendre compte de la force musculaire par exemple, elle constate qu’une substance contractile vient agir directement en vertu des propriétés inhérentes à sa constitution physique ou chi-