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plus qu’elle avoir conscience des phénomènes qu’elle présente.

Pour le physiologiste qui se fait une juste idée des phénomènes vitaux, le rétablissement de la vie et de l’intelligence dans une tête sous l’influence de la transfusion du sang oxygéné n’a absolument rien d’anormal ou d’étonnant ; c’est le contraire qui le surprendrait. En effet, le cerveau est un mécanisme conçu et organisé de façon à manifester les phénomènes intellectuels par l’ensemble d’un certain nombre de conditions. Or, si l’on enlève une de ces conditions (l’oxygène du sang par exemple), il est bien certain qu’on ne saurait concevoir que le mécanisme puisse continuer de fonctionner ; mais si l’on restitue la circulation sanguine oxygénée avec les précautions exigées, telles qu’une température et une pression convenables, et avant que les élémens cérébraux soient altérés, il n’est pas moins nécessaire que le mécanisme cérébral reprenne ses fonctions normales. Les mécanismes vitaux, en tant que mécanismes, ne diffèrent pas des mécanismes non vitaux. Si dans une horloge électrique, par exemple, on enlevait l’acide de la pile, on ne concevrait pas que le mécanisme continuât de marcher ; mais, si l’on restituait ensuite convenablement l’acide supprimé, on ne comprendrait pas non plus que le mécanisme se refusât à reprendre son mouvement. Cependant on ne se croirait pas obligé pour cela de conclure que la cause de la division du temps en heures, en minutes, en secondes, indiquées par l’horloge, réside dans les qualités de l’acide ou dans les propriétés du cuivre ou de la matière qui constitue les aiguilles et les rouages du mécanisme. De même, si l’on voit l’intelligence revenir dans un cerveau et dans une physionomie auxquels on rend le sang oxygéné qui leur manquait pour fonctionner, on aurait tort d’y voir la preuve que la conscience et l’intelligence sont dans l’oxygène du sang ou dans la matière cérébrale. Les mécanismes vitaux, ainsi que nous l’avons déjà dit, sont passifs comme les mécanismes non vitaux. Les uns et les autres ne font qu’exprimer ou manifester l’idée qui les a conçus et créés.

En résumé, nous n’avons à constater dans tout ce qui précède que les conditions d’un déterminisme physico-chimique nécessaire pour la manifestation des phénomènes vitaux aussi bien que pour la manifestation des phénomènes minéraux. Nous ne saurions donc y chercher des explications qui aboutiraient à un matérialisme absurde ou vide de sens.


III.

L’organisme animal n’est en réalité qu’une machine vivante qui fonctionne suivant les lois de la mécanique et de la physico-chimie