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anatomique ou zoologique, ils ne font qu’appliquer à l’interprétation et au classement des faits anatomiques les connaissances que leur a préalablement fournies la physiologie expérimentale, mais ils ne déduisent jamais rien directement de l’anatomie elle-même.

Pour expliquer les phénomènes de la vie, le physiologiste expérimentateur s’adresse directement aux manifestations de ces phénomènes ; il les analyse à l’aide des sciences physico-chimiques, qui sont plus simples que la physiologie, parce que c’est toujours le plus simple qui doit éclairer le plus complexe. L’anatomie ou la texture d’un organe ne peut réellement se comprendre que lorsque la physiologie vient l’expliquer. La structure anatomique ne donnant que les conditions de manifestations d’un phénomène physiologique, il est de toute nécessité de connaître ce phénomène avant de chercher à l’expliquer anatomiquement. En un mot, la physiologie n’est point une déduction de l’anatomie. L’explication de l’organisation, au lieu d’être le point de départ, est au contraire le but vers lequel tendent toutes les études physiologiques. Nous verrons en effet que c’est seulement dans la structure anatomique et dans l’analyse physico-chimique des propriétés de la matière organisée que le physiologiste trouve les conditions qu’il lui importe de connaître pour résoudre le problème de la physiologie expérimentale, c’est-à-dire pour expliquer le mécanisme des phénomènes vitaux et pour en maîtriser les manifestations.

Le problème du naturaliste est plus simple ; sans chercher à expliquer les phénomènes naturels, il se borne à en constater l’enchaînement et les lois, afin d’en prévoir les manifestations et la marche. Les sciences naturelles et les sciences expérimentales, considérées dans leur développement, constituent en quelque sorte deux degrés distincts dans les connaissances humaines. Les sciences naturelles, passives ou contemplatives, forment évidemment le premier degré, tandis que les sciences expérimentales, actives et conquérantes, constituent le second. Les sciences naturelles sont les aînées nécessaires des sciences expérimentales, et elles leur servent de point d’appui. C’est ainsi que l’évolution scientifique vient nous expliquer comment le problème des sciences expérimentales est un problème moderne que l’antiquité n’a pu connaître. Je ne veux pas dire que l’antiquité n’ait point eu l’idée de conquérir la nature, puisqu’elle nous a laissé la fable de Prométhée, puni pour avoir voulu ravir le feu du ciel. Seulement il est certain que la science antique n’a pu réaliser cette conquête, puisque les sciences naturelles et contemplatives ont dû se former les premières. La pensée scientifique des anciens n’a donc pu être que de découvrir et de constater les lois qui régissent les phénomènes de la nature,