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résolûment, et le cahier remis au roi en 1704 à la suite des états de Vannes[1] constate que, si la liberté avait disparu des actes, elle vivait toujours dans les cœurs. Les états y reprennent, dans une série de douze articles rédigés avec une fermeté respectueuse, tous les griefs contre les actes arbitraires et la mauvaise foi dont la province a souffert depuis vingt ans. Ils constatent jusqu’à l’évidence que la plupart des nouveaux subsides ont déjà été rachetés par eux plusieurs fois, et montrent l’inutilité des offices créés au mépris de la parole royale solennellement engagée. Dans ce cahier, comme dans celui de 1709, ils rappellent avec une fierté modeste que leur concours n’a manqué à Louis XIV ni aux beaux temps de son règne, ni dans les épreuves qui les ont suivis, et demandent pour prix d’une fidélité aussi soutenue qu’on s’en remette à leur patriotisme du soin de concourir au soutien de l’état obéré par les voies et moyens qui leur paraîtront les plus compatibles avec les vrais intérêts d’une province écrasée par l’excès des charges publiques et surtout par la continuation de la guerre maritime.

Pour l’administration de la province en effet, les embarras devenaient énormes, et les difficultés presque insolubles. En 1707, le trésorier des états avait refusé de satisfaire au paiement du don gratuit et des dépenses ordinaires assises sur l’éventualité de plus en plus incertaine d’un emprunt. Cet agent arguait, non sans raison, de ce que « leur crédit ne pourrait leur fournir aucun secours à l’avenir, attendu que depuis le commencement de la guerre ils n’ont subsisté que par des emprunts, en ayant fait dans le courant de 1702, 1704, 1705 et 1706 pour plus de 8,390,000 livres, et le public étant rebuté de voir qu’à chaque terme ils en ordonnent de nouveaux. » Les emprunts ne produisant plus, il fallut bien recourir à de nouveaux impôts, au risque de réduire la consommation. Ce fut ainsi qu’en 1709, l’une des plus douloureuses années qu’ait jamais traversées aucun peuple, le contrôleur-général Desmaretz imposa aux états, malgré leurs vives répugnances, la création d’un nouveau droit d’entrée sur toutes les boissons introduites dans la province. Ce droit, immédiatement vendu pour huit années à des traitans au prix d’une somme de 4,900,000 livres une fois payée, venant se joindre aux anciens devoirs, perçus de temps immémorial sur la consommation en détail, ne tarda pas à faire baisser celle-ci d’une somme supérieure à celle qu’avait d’abord produite le nouvel impôt, la fiscalité finissant toujours par se tromper elle-même.

En lisant les registres des états durant cette lamentable période,

  1. Ces remontrances sont à la date du 4 décembre 1703, et il leur a été répondu le 26 mai 1705. J’en ai trouvé le texte aux Archives de l’empire, nouveau fonds du contrôle général.