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dut être acheté par la ville au prix d’un subside extraordinaire de 500,000 livres spontanément offert au roi.

Commencées pour des questions d’argent, ces luttes ardentes finirent donc pour de l’argent. Tel est le caractère presque constant de toutes celles qui furent engagées sous ce régime sans prévoyance et sans contrôle, dont les agens déployaient en matière financière une impéritie trop souvent doublée par la mauvaise foi. L’administration des états de Bretagne, qui avait été facile et prospère durant la régence d’Anne d’Autriche et les premières années de Louis XIV, ne tarda pas à devenir embarrassée, et bientôt après périlleuse sous le coup d’exigences qui croissaient à mesure que tarissaient les sources de la richesse publique. Contrainte de s’engager chaque année dans la voie des emprunts et des anticipations pour faire face à ses dépenses ordinaires, sur le point d’être entraînée, en 1689, dans la faillite de M. d’Harrouis, son trésorier, cette administration ne marcha plus que par des expédiens analogues à ceux qui, sous le ministère de Pontchartrain, de Chamillard et de Desmaretz, ruinaient l’état lui-même, et ouvraient devant tous les esprits la perspective d’une banqueroute inévitable.

Depuis 1675 jusqu’à la fin de ce long règne, les états n’eurent plus que la modeste ambition de vivre. Il serait sans intérêt d’en suivre l’histoire dans l’exposé monotone d’un cérémonial qui prend toute la place dérobée aux affaires sérieuses. La charge unique de cette assemblée fut d’inventer chaque année de nouveaux moyens de subvenir à des exigences financières qui, depuis le traité de Ryswick jusqu’à celui d’Utrecht, s’étaient développées par suite de nos victoires, et bientôt après par suite de nos désastres, dans des proportions jusqu’alors sans exemple. En 1677, nous voyons les états, afin de satisfaire à la fois aux demandes du prince et aux réclamations des nombreux fermiers des devoirs pillés pendant la révolte du papier timbré, emprunter sur les contribuables aux fouages, déjà écrasés, un redoublement pour 1677 et un redoublement et demi pour 1680[1], avec une somme de 200,000 livres au denier 10. A Vitré, nouvel emprunt de 500,000 livres, suivi aux états de Vannes d’un subside extraordinaire de 900,000 livres accordé au roi en dehors du don gratuit de 3 millions pour le rachat d’un édit sur la taxe des maisons. L’impôt de la capitation créé en 1695 pour la généralité du royaume, impôt auquel les états ne firent aucune tentative pour échapper, vint augmenter d’une somme de 1,500,000 livres la charge annuelle du budget breton. L’équilibre se trouva dès lors complètement rompu entre les recettes et les

  1. Registre des états de Saint-Brieuc, 7 septembre 1677.