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la nouvelle création d’officiers, les taxes sur les notaires, procureurs, huissiers et sergens, l’édit d’érection du greffe des arbitrages, des banquiers expéditionnaires en cour de Rome, des arts et métiers en communautés, du greffe des enregistremens, des hypothèques, du papier timbré, l’arrêt pour les îles, îlots, bacs, péages et pêcheries, la recherche des fruits de malefoi, ladite somme de deux millions payable à condition et non autrement qu’avant le premier paiement sa majesté enverra une déclaration portant suppression de tous ces édits et arrêts, et que, dans le moment qu’on en rétablira quelques-uns, le trésorier des états cessera de payer[1]. »

Jamais rédaction plus catégorique ne fut imaginée pour prévenir la mauvaise foi. On peut donc comprendre la surprise indignée de la Bretagne quand elle vit des arrêts du conseil et de simples décisions ministérielles mettre en vigueur la plupart des édits, malgré la délibération solennelle des états[2] et les refus de vérification que leur opposait le parlement de Rennes. Qu’on se figure la colère du peuple lorsqu’à tant de prescriptions ruineuses pour les diverses classes de la société vint se joindre, comme une insulte à l’assemblée à peine séparée, l’impôt nouveau qui assujettissait à la marque toute la vaisselle d’étain[3], et quand les traitans commencèrent la perception des droits sur le papier timbré et sur le tabac ! La culture de cette plante, libre jusqu’alors, se trouva tout à coup restreinte à quelques localités ; la vente en fut abandonnée pour une somme annuelle de 500,000 livres à des fermiers qui en rehaussèrent immédiatement le prix, au désespoir de la population rurale, pour laquelle le tabac était devenu un besoin impérieux. L’émotion publique grandit chaque jour par l’effet même des mesures prises pour assurer la sécurité de la perception.

A Rennes commença le mouvement qui, dans les premiers mois de 1675, s’étendit par toute la péninsule. Les marchands de tabac et ceux de vaisselle d’étain, obligés d’élever des prix dont le maintien aurait amené leur ruine, rencontrant dans le peuple des dispositions fort menaçantes, s’adressèrent au premier président du parlement, qui avait fait aux édits une opposition constante. Alarmé d’une agitation depuis longtemps prévue et annoncée, M. d’Argouges promit décrire à la cour pour exposer l’état des choses, en exprimant l’espoir que les vœux de la population ne tarderaient pas

  1. Registre des états de Vitré, 20 décembre 1673.
  2. Les états considéraient si bien l’impôt du papier timbré, par exemple, comme illégal et comme abrogé, qu’ils prescrivirent, avant de se séparer, à leur procureur-syndic de rédiger leurs procès-verbaux et généralement tous les écrits relatifs à l’administration de la province sur papier commun et non timbré. — Registre des états de Vitré, 30 décembre 1673.
  3. Edit du 19 février 1674.