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étendu d’eau[1], et, tenant les rondelles immergées, on fait barboter de la vapeur dans la cuve pendant douze heures, de manière à maintenir la température à 100 degrés. Ainsi préparé, le bois est lavé à l’eau pure et broyé sous des meules de granit qui le réduisent en une pulpe brune. On lave de nouveau cette pulpe pour la débarrasser des acides interposés. Dans cette première opération, la cellulose la moins résistante a été en partie brûlée, c’est-à-dire transformée en eau et en acide carbonique, en partie transformée en dextrine et en glucose, deux corps solubles qu’emportent les lavages. Restent, avec la cellulose primitive, les substances incrustantes que l’acide n’a pas attaquées et qui se trouvent mises à nu par la disparition de la cellulose spongieuse. On les soumet à l’action de la soude caustique, qui les dissout entièrement à une température de 140 à 150 degrés sans altérer la cellulose compacte. Cette sorte de lessivage s’effectue dans un vase cylindrique tournant en forte tôle, muni d’une double enveloppe où circule un courant de vapeur à 152 degrés. La contenance totale de ce cylindre est de 9,000 litres, et on y traite à chaque opération 1,500 kilogrammes de pulpe de bois par 3,000 litres d’une dissolution de soude. Le cylindre fait un tour et demi ou deux tours par minute, et le contact du liquide et de la pulpe est maintenu pendant six heures. Au bout de ce temps, on envoie l’excédant de vapeur contenu dans la double enveloppe chauffer un autre cylindre semblable, et on décante le liquide, qui a pris une couleur brune et est chargé de toutes les matières incrustantes tenues en dissolution. Ce qui reste dans le cylindre n’est autre chose que la cellulose qu’on voulait obtenir. On lui fait subir dans le cylindre même des lavages à l’eau chaude. Pour la rendre complètement blanche, on la soumet en outre à l’action de l’hypochlorite de chaux, qui fait subir une combustion humide aux matières colorantes et les détruit en attaquant légèrement la cellulose elle-même. Celle-ci, lavée une dernière fois à l’eau pure et passée au laminoir, se présente enfin sous la forme d’un carton épais que l’on livre au commerce comme matière première pour entrer dans la composition du papier. On a constaté un fait remarquable : la pâte de bois est exempte de composés ferrugineux et renferme moins de matières minérales que les produits similaires obtenus avec la paille de seigle, de blé, les tiges de quelques arbustes comme le sparte, le genêt, ou celles de zostère marine[2]

  1. Pour 1,000 kilogrammes de bois, les proportions sont de 2,500 litres d’eau, 60 kilogrammes d’acide chlorhydrique et 40 kilogrammes d’acide azotique.
  2. La zostère marine commençait à être employée avec succès à la fabrication de la pâte à papier, lorsque l’emploi qu’on s’est mis à en faire pour garnir économiquement