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aucune manière, et dans ces conditions le collage à la mécanique ne laisse rien à désirer. C’est surtout pour les pâtes préparées avec du coton que la question est importante, parce que sans l’application uniforme de la gélatine la tenue et la solidité du papier de coton seraient insuffisantes. Voilà pourquoi l’Angleterre, qui manque de chiffons de chanvre et de lin, s’est appliquée avec tant d’ardeur à la résoudre.

A mesure que les papeteries installaient de toutes parts les instrumens et les méthodes de fabrication en grand, il devenait plus difficile de se procurer la matière première, les chiffons de fil ou de coton. L’industrie du papier avait pris une place assez importante dans la production générale pour que la crise qui la menaçait éveillât la sollicitude des gouvernemens. Les droits prohibitifs destinés à empêcher dans chaque pays l’exportation du chiffon à l’étranger faillirent un moment devenir un casus belli et amener un choc entre des nations puissantes, ce qui n’aurait en rien porté remède à la disette de matières premières dont on se plaignait. Les pays où l’instruction publique et le commerce sont le plus en honneur étaient ceux où les besoins étaient le plus grands et où la consommation de papier est le plus considérable. Aux États-Unis, qui tiennent à cet égard le premier rang, le nombre et la prospérité des papeteries ont suivi une progression rapide. En 1769, on y comptait seulement 40 usines livrant chaque année 685,000 kilogrammes de papier ; il y en a aujourd’hui 500 employant 225 millions de kilogrammes de chiffons à produire 150 millions de kilogrammes de papier. En Angleterre, 125 millions de kilogrammes de chiffons sont annuellement transformés en 82 millions de kilogrammes de matière manufacturée. En France, 200 usines vendent par an 66 millions de kilogrammes de papier représentant une valeur de 40 millions de francs. La production de l’Allemagne est, proportionnellement à la population, plus forte encore. L’Espagne, berceau de cette industrie, donne des résultats notablement plus faibles que tous ceux qui précèdent. Pour renouveler la source des approvisionnemens, on eut recours aux tiges de plusieurs graminées et même au bois de certaines essences forestières. Dans ces divers corps, la cellulose à l’état fibreux, qui constitue la matière organique de la pâte à papier[1], se trouve

  1. La cellulose forme la trame solide de tous les organismes végétaux. Tantôt elle s’y présente en cellules à parois très minces, comme dans la moelle de l’aralia, ou très épaisses, comme dans le phytelephas (ivoire végétal) ; tantôt elle affecte la forme de tubes. Dans le coton, ces tubes sont minces ; dans le lin, le chanvre, le bananier, ils sont épais. Ordinairement l’épaisseur varie avec l’âge, de la plante. Sous ces apparences diverses, c’est toujours la même substance, présentant, une fois épurée, les mêmes propriétés physiques et chimiques et la même composition élémentaire. Elle contient 44 pour 100 de carbone et 55 pour 100 d’oxygène et d’hydrogène dans les proportions qui constituent l’eau. Parmi les réactions caractéristiques qu’elle présente, on peut citer l’effet de l’iode, qui la teint en bleu indigo, et celui des acides, qui la transforment en dextrine et en glucose ou sucre de raisin.