Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

collage à la main avait toujours réussi à merveille. L’ouvrier plongeait pendant quelques secondes les feuilles de papier dans une solution tiède de gélatine et les faisait ensuite sécher sur un étendoir. On obtenait du papier blanc, opaque, lisse et bien collé. Essayait-on de faire passer la feuille de papier d’un mouvement continu dans une solution gélatineuse identique et de l’enrouler ensuite pour la sécher sur un cylindre chauffé intérieurement, ce qui était la marche indiquée par les procédés du travail continu, immédiatement la gélatine était mal répartie dans la masse et le papier buvait par places, ou bien, si, pour éviter ce résultat, on forçait la proportion de colle, il devenait lourd et à demi translucide. Il est facile d’exposer en quoi la méthode mécanique remplaçait mal la méthode à la main et négligeait une des conditions les plus importantes du succès. Quand l’ouvrier étend à l’air la feuille de papier qu’il retire du bain gélatineux, l’évaporation de l’eau commence aussitôt à la surface. A mesure que celle-ci se dessèche, elle attire l’eau intérieure, chargée de gélatine, qui vient s’évaporer à son tour, déposant à la superficie de la feuille la substance agglutinante qu’elle tient en dissolution. La gélatine est donc amenée presque tout entière à l’extérieur de la feuille, et c’est là seulement qu’elle forme un dépôt imperméable. Il est facile de s’assurer de l’exactitude de ce fait : que l’on enlève avec un grattoir cette mince couche de colle, aussitôt on verra le papier boire, et il sera impossible d’y former un seul trait net[1]. Qu’arrive-t-il au contraire quand on soumet la feuille à une dessiccation rapide ? L’eau s’évapore non-seulement à la surface, mais aussi dans toute l’épaisseur de la feuille, la gélatine se dépose à l’intérieur et alourdit le papier sans le préserver régulièrement. C’est justement l’effet que produisait l’enroulement sur le cylindre trop chauffé. Une fois cette théorie bien établie, il devenait facile de reproduire avec des rouleaux à mouvement continu les circonstances essentielles que présentait l’étendage. Il fallait opérer la dessiccation d’une manière graduée et à une basse température. On y est parvenu en diminuant la chaleur et en augmentant le nombre des cylindres sécheurs. Au lieu de huit ou dix dont on se contentait naguère, on en installa d’abord soixante. En Angleterre, où le collage à la gélatine est plus répandu que chez nous, ce chiffre tend à s’élever d’année en année ; on l’a porté à cent vingt, puis à deux cents, et quelques papeteries ne s’en tiennent même point là. Le séchage est ainsi plus lent sans que l’ensemble de l’opération soit ralenti en

  1. On doit prendre pour cet essai les papiers qui sont encore maintenant fabriqués et collés à la main. Ce sont notamment les papiers à dessin et le papier timbré.