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contenait, ainsi que tous les végétaux microscopiques et les organismes rudimentaires des plantes, de notables quantités de matières azotées, grasses et salines, semblables à celles que l’on rencontre dans les organismes des animaux[1]. Les fermens sont donc des êtres vivans microscopiques. Or les êtres vivans, quelle que soit leur dimension, ne peuvent vivre et se multiplier qu’autant qu’ils trouvent à leur portée des élémens susceptibles de reconstituer la substance qui les forme. Comment par exemple un organisme azoté se nourrirait-il, comment engendrerait-il d’autres organismes azotés dans un milieu absolument dépourvu d’azote ? C’est ce qui arrivait dans l’expérience de Gay-Lussac et de Thénard pour les fermens employés à décomposer une dissolution de sucre. Le liquide dans lequel on les plongeait ne leur offrait ni la substance animale ou azotée, ni les matières minérales, en particulier les phosphates et les sels alcalins, indispensables à la nutrition de ces plantules. Loin d’augmenter de poids et de se multiplier, ces fermens devaient donc inévitablement diminuer. Ils périssaient d’inanition, comme périrait bientôt tout animal ou végétal qui n’aurait à sa disposition que du sucre pour s’entretenir et se réparer.

Les choses se passent tout différemment lorsque le ferment vit et végète dans le moût des brasseries. Outre le sucre produit par l’action même de la diastase avec le concours du ferment sur l’amidon, ce liquide renferme tous les principes alimentaires accumulés dans la graine ou le fruit des céréales employées à la fabrication de la bière. Aussi, en même temps qu’il détermine la production d’alcool, le ferment vit, se développe et se multiplie dans ce milieu favorable, et la cuvée du brasseur, ensemencée avec de la levure, pourra donner une récolte de levure nouvelle pesant six fois plus que celle qu’on y avait originairement jetée. Depuis l’époque où ces notions positives ont été acquises à la science, un grand nombre

  1. En comparant la composition immédiate de plusieurs organismes végétaux, on reconnaît combien certaines plantes d’une structure peu compliquée se rapprochent à cet égard de la levure, qui représente elle-même une plantule globuleuse encore plus rudimentaire.
    Morilles Champignons de couche Truffes noires Levures viennoise Choux-fleurs
    Matières azotées et traces de soufre 44 53 31,36 50,05 66,0
    Substances grasses 5,6 4,4 2 3,437 4,5
    Cellulose, dextrine, mannite, etc. 36,8 38,4 50,25 38,413 18,3
    Phosphates de chaux, de magnésie, de potasse, de silice, traces de chlorure, de sulfates, d’oxyde de fer 13,6 5,2 7,39 8,100 11,2