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des viandes. Le chlorure de sodium ou sel de cuisine a une grande affinité pour l’eau. Il attire pour s’en emparer celle qui est contenue dans les fibres de chair musculaire avec lesquelles on le met en contact, C’est par l’absorption de l’eau en même temps que par l’action antiseptique dont il est doué qu’il empêche les fermentations. Cette absorption dans la salaison commune est malheureusement fort peu régulière ; tandis que les parties extérieures de la pièce de viande, saturées de sel, se contractent, se racornissent, deviennent dures, inconvénient sérieux pour des viandes destinées à l’alimentation, le centre est soustrait à L’action antiseptique du chlorure de sodium. On est parvenu dans ces derniers temps à diminuer les effets défavorables de l’emploi du sel en y ajoutant une certaine quantité de sucre, ce qui rend la dessiccation à la surface moins énergique. On a aussi trouvé quelques avantages à l’addition d’une faible dose de salpêtre, lequel conserve à la viande salée l’aspect rosé de la viande fraîche. Ce ne sont là que des palliatifs. Ils n’atteignent pas le vice originel de cette préparation, et ne font pas que les parties superficielles ne soient imbibées avec excès des matières préservatrices, et que les parties internes n’en soient à peu près complètement privées. Après cette salaison irrégulière, les viandes sont soumises à l’action de la fumée. Les produits goudronneux de la combustion incomplète du bois, la créosote notamment, pénètrent dans les pores et entre les fibres, et vont y paralyser ou y détruire les germes des végétations cryptogamiques et des fermens. Plus l’action de la fumée se prolonge, plus celle-ci pénètre profondément et d’une manière efficace, plus aussi la saveur de la viande ainsi préparée risque d’être altérée par l’odeur prédominante des matières pyrogénées qui s’y condensent.

Le perfectionnement dû à M. Martin de Lignac a été d’introduire la précision dans les dosages et la régularité dans l’effet des agens préservateurs sur toute la masse des pièces volumineuses soumises à la salaison et à l’enfumage. Voici comment il a disposé la suite des opérations. Dès que les gros membres des porcs abattus arrivent à l’usine, chacun d’eux est pesé, et le poids est inscrit à la craie sur un tableau noir. Le sel s’emploie à l’état de solution limpide ; cette dissolution dosée une fois pour toutes, un calcul fait d’avance donné immédiatement pour chaque poids de viande le poids du liquide salin qu’il y faut consacrer. Cette saumure est contenue dans un bassin placé à l’étage supérieur, et qui communique avec l’atelier par un tuyau flexible en caoutchouc vulcanisé terminé par un tube métallique effilé fermé d’un robinet. Chaque jambon cru est placé, sur le plateau d’une balance. Dans l’autre plateau l’on met des poids destinés à équilibrer non-seulement celui du jambon