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d’eau quand vient le moment de s’en servir. Les principales applications sont les mêmes, les conserves de lait trouvent aisément des débouchés dans l’approvisionnement des places de guerre, de la marine, des armées en campagne. L’économie domestique peut aussi dans certains cas profiter de ces recherches, bien qu’elles la concernent moins directement. M. Martin de Lignac a d’abord soin de ne soumettre au traitement qui doit en assurer la conservation que du lait excellent, provenant de vaches saines, nourries dans de bonnes conditions sur de fertiles prairies naturelles du département de la Creuse. Le produit des traites, aussitôt obtenu, est chauffé au bain-marie dans des chaudières à fond plat où le liquide forme une couche de 5 centimètres de hauteur. On ajoute alors 60 grammes de sucre blanc par litre de lait, et, pendant qu’on chauffe, l’on remue sans cesse le contenu de la chaudière pour favoriser l’évaporation. Quand le volume est réduit des quatre cinquièmes, c’est-à-dire quand il n’y a plus dans les chaudières qu’un centimètre d’épaisseur de lait, on verse ce liquide concentré dans des boîtes cylindriques dont on ferme aussitôt l’ouverture d’une manière hermétique en la soudant à l’étain. Ces boîtes, ainsi remplies et soudées, sont rangées dans une chaudière disposée, comme les chaudières à vapeur, de façon à pouvoir supporter une pression intérieure. On introduit dans cette chaudière de la vapeur à 103 ou 104 degrés. Un manomètre dont on lit les indications à l’extérieur donne à chaque instant la tension et par conséquent la température de cette vapeur. Après que les boîtes cylindriques qui contiennent le liquide concentré ont été ainsi soumises à l’action de la chaleur, la conserve de lait est préparée. On peut après un temps quelconque ouvrir la boîte, on la trouvera remplie d’une substance pâteuse d’un blanc jaunâtre et demi translucide. Délayée dans cinq fois son poids d’eau, cette substance reproduit un liquide présentant l’aspect et offrant tous les caractères extérieurs et organoleptiques du lait ordinaire. On est surpris tout d’abord de voir cette matière, translucide tant qu’elle est pâteuse, devenir opaque dès qu’on la délaie dans l’eau. Cela tient simplement à un phénomène de réfraction de la lumière. Les globules butyreux étant doués d’une réfraction différente de celle de l’eau, les rayons lumineux, qui peuvent traverser régulièrement dans des directions constantes soit ces globules seuls, soit de l’eau pure, ne peuvent plus traverser que suivant une ligne brisée très irrégulière où l’œil ne les suit plus le mélange de globules et d’eau. Chaque globule et chaque goutte d’eau successive changent en effet dans des sens différens la direction des rayons qui les traversent. Quand une boîte est entamée, l’extrait de lait peut facilement se conserver pendant dix