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Quant aux altérations que subit la liqueur quand on la concentre, et qui en changent la couleur et le goût, il suffirait pour les prévenir d’effectuer entièrement l’évaporation dans le vide, comme cela se pratique pour les sirops sucrés extraits des betteraves et des cannes à sucre. Les appareils à triple effet chauffés à la vapeur dont on se sert pour cet usage dans les sucreries et les raffineries donnent le type de ceux que l’on pourrait construire pour amener avec moins de frais le liquide à la consistance convenable. Tant que ces améliorations n’auront pas été introduites, l’extrait de viande, comme produit commercial, laissera sans doute à désirer. Dès aujourd’hui toutefois, outre l’avantage de faire entrer dans la consommation générale des alimens jusqu’à ce jour misérablement perdus, il présente un mérite qui, dans beaucoup d’occasions, prime tous les autres, c’est de concentrer sous un volume et un poids relativement très petits une richesse alimentaire considérable. Quand il seras moins cher, il pourra rendre des services véritablement précieux. Ce que d’autres inventeurs ont déjà réalisé à cet égard en Europe donne la mesure de ce qu’on pourrait faire en Amérique, où la matière première, l’animal de boucherie, ne coûte presque rien. En mettant à profit pour l’agencement des manipulations, la disposition et le chauffage des appareils tout ce que lui offraient de ressources les récens progrès de la mécanique, de la chimie et de la physique industrielle, un ingénieux chercheur, M. Martin de Lignac, est parvenu à confectionner un extrait de viande qui ne revient pas à plus de 5 francs 54 centimes le kilogramme, et qui, étendu de sept fois son poids d’eau, donne un bouillon dont la richesse, la saveur et la coloration sont irréprochables. Or l’extractum carnis de Liebig coûte aujourd’hui 30 francs le kilogramme. Il doit être possible d’en abaisser le prix au quart de cette somme. Nous ne parlerons que pour mémoire de plusieurs autres tentatives qui avaient pour objet de concentrer le bouillon jusqu’à le réduire à l’état de tablettes solides. Le défaut commun de ces préparations, pour lesquelles l’évaporation n’est pas entourée de précautions suffisantes, c’est que l’arôme disparaît sous l’influence de la chaleur, et qu’une des qualités les plus recherchées et les plus agréables du bouillon ordinaire s’évanouit du même coup.

C’est encore le nom de M. Martin de Lignac que nous trouvons attaché au procédé le plus consciencieusement étudié dans les moindres détails et le plus satisfaisant comme résultat qui ait été proposé pendant ces douze dernières années pour la conservation du lait. Cette question se rattache du reste à la précédente, le problème à résoudre est toujours de faire tenir sous le plus petit volume possible un aliment nourrissant qu’on se réserve d’étendre