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normal du pot-au-feu contient 18 grammes de substances sèches, et le prix de revient en est de 45 centimes environ ; c’est ce que coûtent 15 grammes d’extrait de Liebig, qui renferment à peine 12 grammes et demi de substances sèches. Si on délaie ces 15 grammes dans un litre d’eau pure, on aura donc un bouillon moins nutritif que celui du pot-au-feu et coûtant le même prix. Si on les délaie dans du bouillon faible, on enrichira celui-ci jusqu’à la proportion normale de 18 pour 100 de substances sèches ; mais le prix définitif du litre de ce bouillon amélioré sera de 68 centimes au lieu de 45 qu’il aurait coûtés, si on l’eût préparé par l’ancien système. Ce serait même aller trop loin que d’affirmer que ce bouillon, qui coûte plus cher que le bouillon classique de nos cuisinières, présente les mêmes qualités. On a remarqué que, pour fabriquer l’extrait, l’on concentrait d’abord la liqueur à feu nu et à l’air libre. Dans cette opération, le produit perd une partie de son arôme, il contracte aussi une légère saveur acre qui devient très sensible, si l’on veut forcer la proportion d’extrait de Liebig au-delà de 15 grammes par litre pour avoir des bouillons plus forts ; il prend enfin une coloration foncée que dans la préparation domestique on a généralement soin d’éviter.

La plupart de ces désavantages peuvent disparaître et disparaîtront sans doute bientôt, lorsque la compagnie qui a pris l’initiative de l’exploitation, sortant de la période d’installation, de tâtonnemens et d’incertitudes, entrera dans la période de stabilité et de perfectionnemens successifs. Le prix de revient pourra être facilement abaissé dès qu’on saura éviter bien des gaspillages nécessairement provisoires. D’abord les tourteaux de viande dont on a retiré par la pression toutes les matières solubles contiennent encore divers élémens nutritifs, — fibrine, albumine, phosphates de magnésie et de chaux, — dont il faudrait s’attacher à tirer parti. Si l’on ne parvenait pas à les mettre sous une forme acceptable pour l’alimentation, il ne paraît pas du moins qu’il fût difficile d’en faire des engrais d’une richesse exceptionnelle. Il en est de même des os, qui servent aujourd’hui de combustible pour chauffer les chaudières, et pourraient, transformés en engrais, recevoir une destination plus utile et plus rémunératrice. Il serait également facile et surtout économique de substituer, à mesure que cette industrie prendra plus d’assiette, les procédés mécaniques perfectionnés aux bras des hommes pour hacher la chair crue et la séparer des os et des tendons. Il existe en Angleterre des machines qui s’acquittent à merveille d’un travail analogue. La besogne serait meilleure, la trituration plus parfaite, le rendement probablement augmenté, et le prix de revient moins considérable.