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mélange et on maintient l’ébullition pendant un quart d’heure, puis on jette le tout sur une toile au-dessous de laquelle, s’écoule un liquide qui n’est autre que le bouillon que l’on veut recueillir. Il est dissous toutefois dans une trop grande quantité d’eau et mélangé de matières grasses dont il faut encore le débarrasser. On a recours à la presse hydraulique pour extraire de la viande bouillie les dernières parcelles du liquide interposé qu’elle peut encore retenir. Ainsi pressée, elle forme une espèce de gâteau que l’on considère comme épuisé de toute matière comestible, un résidu que l’on parviendra sans doute à utiliser un jour ou l’autre. Pour les matières grasses, on les élimine facilement en faisant couler par soutirage le liquide sur lequel elles surnagent. Ce liquide est alors chauffé à feu nu dans une chaudière jusqu’à ce que le volume en soit réduit au sixième du volume primitif ; enfin il est amené à consistance d’extrait par une ébullition à basse température et à l’abri du contact de l’air dans un vase où l’on fait le vide au moyen d’une pompe pneumatique. Il ne reste plus qu’à verser l’extrait encore liquide dans des pots en grès vernissé de contenances diverses, et qui sont sur place hermétiquement fermés et scellés d’un sceau en plomb pour indiquer la provenance et garantir, contre toute tentative de falsifications des intermédiaires. On le voit, les manipulations sont simples, et c’est une industrie appropriée aux contrées primitives où elle s’exerce. Voyons quels sont les résultats. En moyenne, un bœuf pesant 200 kilogr., viande nette, produit 5 kilogr, d’extrait ; un mouton dont la chair pèse 20 ou 24 kilogr. en donne 500 grammes. Il est bien clair d’après cela, et M. Liebig en fait lui-même la remarque, qu’il ne faut pas compter sur les troupeaux de l’Amérique du Sud et de l’Australie exploités d’après cette méthode pour réduire d’une manière notable en Europe le prix de la viande de boucherie. Dix usines qui retireraient de 1 million de bœufs et de 10 millions de moutons 5 millions de kilogr ; de cet extrait de viande ne parviendraient à fournir par an à la population de la Grande-Bretagne qu’un kilogramme d’extrait par six personnes, sans qu’il en restât rien à livrer aux autres nations européennes. Nos éleveurs n’ont donc en aucun cas à s’alarmer outre mesure de la concurrence que pourrait leur faire l’industrie nouvelle, car il faudra que cette industrie atteigne un degré de perfectionnement dont elle est loin encore pour lutter à armes égales avec les produits similaires de nos pays. La première infériorité commerciale de l’extractum carnis, la plus grave quand il s’agit d’un aliment, c’est que, pour une même quantité d’élémens nutritifs, il coûte plus cher que le bouillon ordinaire. Les chiffres à cet égard sont nets et faciles à établir. Un litre du produit