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LES
MARIAGES DE PROVINCE

JACQUES MAINFROI


I.

Jacques Mainfroi dînait ou plutôt finissait de dîner en tête-à-tête avec lui-même. La vieille salle à manger, lambrissée de chêne noir à hauteur d’appui et tendue de vrai cuir de Cordoue jusqu’à la corniche, était meublée à la dernière mode, quoiqu’on n’y eût presque rien changé depuis l’abjuration de Lesdiguière. La haute cheminée de marbre rouge où flambait un hêtre scié en quatre, l’horloge qui venait de tinter sept heures, les dressoirs chargés d’orfèvrerie antique et de faïence italienne, les portières de tapisserie, la table carrée à pieds tors, la nappe entrecoupée de guipures, le tapis de Turquie, tout enfin, sauf la lampe Carcel suspendue par un appareil moderne, représentait le luxe d’une grande maison de province sous le règne de Louis XIII. Le maître du logis, rasé de frais dans sa cravate blanche et mollement enveloppé dans un large veston de cachemire, égrenait une grappe de raisin ridé. Le service de vieux japon n’avait passé par aucun hôtel des ventes, car il était marqué aux mêmes armes que le petit point des fauteuils et les cartouches de la voussure. Un miroir de Venise renvoyait à Jacques Mainfroi son sourire de parfait contentement, et lui disait dans