Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/775

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dispense l’Angleterre de conquérir et de garder l’empire le plus ancien de l’Afrique.

On doit supposer qu’il existe encore au fond de notre ministère des affaires étrangères quelque vieux commis qui ne veut point prendre son parti des changemens survenus depuis un an en Allemagne et qui croit encore à la validité des traités de 1815, puisque des invitations ont été adressées directement au grand-duc de Bade, au roi de Saxe, au gouverneraient grand-ducal de Hesse. La politique officielle de Berlin a distribué l’éloge aux petits états allemands qui l’ont consulté sur la réponse à faire et le blâme à ceux qui ont accepté l’invitation française comme elle avait été adressée, directement. La presse prussienne montre le contraire de l’empressement pour la réunion de la conférence. Il n’est pas surprenant que ce soit à Berlin qu’on soutienne le plus longtemps l’objection formaliste contre l’absence de programme. La France aurait des objections d’une bien autre sorte à renvoyer à la Prusse, si l’on voulait s’oublier aux chicanes. Quant à l’Autriche, elle a accepté l’invitation tout de suite. L’œuvre de la révision de la constitution par le reichsrath se poursuit à Vienne avec succès. On a vu les centralistes allemands combattre, jusqu’au bout pour la suprématie du parlement de Vienne sur les autres diètes de la monarchie. Les efforts de M. de Schmerling ont échoué. Si, comme nous l’espérons, il est possible de reconstituer un empire autrichien et de l’animer d’un esprit de vie moderne, il faut que les Allemands de l’Autriche renoncent à l’idée de la centralisation autoritaire ou parlementaire. La raison d’être de l’Autriche dans la nouvelle Europe ne réside que dans la puissance qu’elle peut conserver pour créer un groupe fédératif formé des races danubiennes. L’expérience de la reconstruction autrichienne ne fait encore que commencer. Elle s’essaie dans le dualisme de la Hongrie et de l’organisation des possessions cis-leithanes. Il est évident qu’il y a quelque chose d’artificiel dans le groupement cis-leithan. Les diverses nationalités dont il est composé ne pourront s’amalgamer, et aspireront à obtenir tout ce que comporte d’autonomie pour les provinces une union fédérale. Quand la pratique aura confirmé l’essai tenté aujourd’hui en Hongrie, quand le gouvernement et les autres nationalités auront sous les yeux un exemple heureux, le groupe cis-leithan nous paraît destiné à se diviser suivant ses autonomies différentes. Alors aussi les nationalités autrichiennes, sûres de leur propre développement, pourront librement reconnaître les intérêts communs et les droits mutuels par lesquels elles se sentiraient réunies et auraient à s’entendre pour représenter cette communauté d’intérêts et de droits par une assemblée générale. Si les essais actuels de l’Autriche réussissent, on verra se former sur les deux rives du Danube une fédération, une association fédérale recouverte d’unité monarchique. Il faut souhaiter un tel succès ; là serait la solution mo-