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de céder à la force de circonstances que certes il n’avait point lui-même préparées, il a parlé le langage et tenu la conduite les plus conformes à la dignité de l’indépendance italienne. Ses compatriotes s’honoreraient par leur reconnaissance envers cet homme modeste qui s’est trouvé prêt quand une grande difficulté nationale lui a imposé un pénible devoir. D’ailleurs la conférence demandée par l’Italie elle-même peut se réunir. En ce cas, il ne serait pas d’un médiocre intérêt pour l’Italie d’avoir à la tête de son gouvernement un homme entouré d’une considération européenne. Plus l’homme d’état qui aura alors la présidence du cabinet de Florence sera modéré, plus il pourra montrer de fermeté et exercer d’influence sur les conseils de l’Europe. Les Italiens ont à faire respecter leur patriotisme par le monde ; ils n’y réussiraient pas, ils n’inspireraient à leurs meilleurs amis étrangers qu’une douloureuse pitié, s’ils profanaient le deuil de leur patrie par des divisions de partis, par des intrigues et par des hostilités personnelles.

Les nations les plus fortes et les plus prospères ont leurs journées lugubres. C’est une journée semblable qu’a eue l’Angleterre quand elle a envoyé au supplice les trois fenians meurtriers de l’officier de police Brett. Il faut que l’exaspération d’une race soit portée à des extrémités effrayantes, pour que ceux qui prétendent émanciper leur nationalité ne reculent point devant les crimes isolés contre les personnes. On doit supposer que des raisons bien pressantes et bien impérieuses pour la conscience ont pesé sur le gouvernement anglais, pour que la grâce ait été refusée aux trois coupables. Même en Angleterre, les terribles cruautés de la peine de mort balancent l’horreur qu’inspire l’homicide. Les épisodes tragiques du fenianisme ne donnent pas seulement au gouvernement anglais des conseils de sévérité, ils l’avertissent de faire de plus énergiques efforts pour améliorer la condition de la race irlandaise. Un tel but n’est plus aujourd’hui, grâce à Dieu, une cause de division entre les deux grands partis de l’Angleterre. Un ministère tory peut accorder les concessions justes réclamées par les organes d’une opposition libérale. Sauf ce malheur des crimes et de la répression du fenianisme, la session du parlement anglais s’est ouverte dans des conditions faciles. Grâce à la simplicité, on pourrait dire au naturel de la procédure parlementaire anglaise, les chambres, assemblées chaque jour, ont pu recevoir et répandre dans le pays des informations sur les affaires les plus urgentes. On a causé du projet de conférence à propos de la question de Rome. Lord Derby et lord Stanley, avec la droiture du sens britannique, ont noté la singularité d’une convocation non précédée par des bases de négociation convenues. Ils ont eu l’air de se prêter à la réunion diplomatique pour faire honneur et plaisir à leur allié, l’empereur des Français. On aura cependant raison à Paris de ne prendre ces politesses que pour l’honnêteté de l’intention. L’Angleterre,