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avec son armée, et ce serait une iniquité bien vaine de ne pas reconnaître la courageuse ardeur de ces volontaires de la foi allant se heurter contre les volontaires du patriotisme. Si étrange que soit ce spectacle d’un pape gardé par des zouaves, ces zouaves ont fait leur devoir avec la vaillance de soldats sachant mourir pour leur cause ; mais enfin, s’il est une chose évidente, constatée, avérée, c’est que sans l’arrivée des soldats français ce dernier combat de Mentana, qui a fait évanouir l’invasion garibaldienne, risquait fort d’être une défaite pour les pontificaux. Si la France n’eût été là, cette petite armée du pape allait en s’épuisant ; bientôt elle eût à peine suffi à la garde de Rome et du Vatican : de telle sorte que ces événemens mêmes, en sauvant le pouvoir temporel d’une catastrophe soudaine, montrent une fois de plus qu’il est à la merci d’un secours étranger. Zouaves, légion d’Antibes, volontaires de tous les pays, intervention française, c’est toujours l’appui extérieur, et plus on multiplie les secours, plus on rend sensible ce fait sous lequel périt la souveraineté pontificale, cette impossibilité d’un pouvoir politique réduit à vivre de l’étranger et par l’étranger, ralliant autour de lui toutes les hostilités, devenant une cause permanente de déchirement pour la nation au sein de laquelle il est placé et, selon le mot récent d’un ecclésiastique de talent, un signe de contradiction pour le monde moderne. La seconde intervention française a rendu au pape le service de compléter cette démonstration.

D’ailleurs cette victoire même n’a rien changé politiquement ; elle laisse le saint-siège avec son territoire insuffisant, ses ressources bornées, ses finances délabrées et tout ce qui faisait dire au cardinal Antonelli, il y a deux ans, que l’état actuel de l’église était un corps artificiel et difforme ayant une tête démesurée et point de membres. Aujourd’hui comme hier, ce n’est plus un état, c’est un reste d’état trop grand pour un patrimoine, trop petit pour constituer une indépendance réelle. Les populations des provinces pontificales et surtout les Romains, dira-t-on, n’ont rien fait pour se soustraire à la domination du saint-siège ; ils ne se sont pas laissé ébranler par toutes les excitations révolutionnaires, ils sont restés calmes jusqu’au bout. — Cela ne prouve nullement, malgré tout ce qu’on peut dire, que les Romains veuillent rester séparés de l’Italie, qu’ils soient très attachés au pouvoir temporel ; cela prouve qu’à leurs yeux le problème est double, qu’en voulant être Italiens ils voudraient aussi voir Rome garder son prestige de ville universelle et le pape rester au Vatican ; cela prouve encore, si l’on veut, que Garibaldi et ses volontaires ne sont pas précisément les sauveurs de qui ils attendent l’accomplissement de leur destinée. C’est la signification véritable de l’attitude de cette population pendant