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n’a pas voulu tenir un engagement, et qui a besoin de se reconnaître pour rendre à sa parole une suffisante autorité. Au point de vue intérieur, les partis sont plus que jamais profondément divisés, et la monarchie elle-même n’est peut-être pas sans avoir souffert de cette cruelle mésaventure d’hier dont les opinions extrêmes peuvent se faire une arme envenimée. C’est une confusion complète de passions, d’irritations, d’antipathies, de rivalités locales, qui est assurément une épreuve pour l’unité. Financièrement, la situation n’est pas moins critique, et c’est un journal italien d’une certaine compétence dans ces matières qui écrivait, il y a quelques jours à peine : « Quoi qu’on en dise, nous sommes d’avis, et nous ne sommes pas les seuls de cette opinion, que la question vraiment grave, la question périlleuse, la question urgente est pour l’Italie non pas l’existence pour une année de plus ou de moins du pouvoir temporel du pape, mais bien la triste condition où se trouvent nos finances. L’épuisement croissant du trésor fait déjà sentir son influence sur toute la vie économique du pays. Notre commerce est arrêté, nos industries sont exténuées, la confiance publique est éteinte. Chaque famille, quelle que soit sa position financière, se senti dans le malaise et regarde avec crainte un avenir incertain. A l’extérieur, notre position, proclamée désespérée par les malveillans, est reconnue du moins très dangereuse par nos amis. Que cet état de choses se prolonge encore un peu, et la question financière, perdant le caractère économique, finira par se changer en question sociale. »

Voilà la situation où la dernière aventure laisse l’Italie, et je ne cherche pas à la dissimuler ; mais l’Italie a deux choses que rien ne remplace : elle a au fond une certaine vigueur de bon sens qui se retrouve aisément, et elle a par-dessus tout la liberté, qui guérit toutes les blessures. C’est une des plus oiseuses chimères de se figurer que le remède à une crise quelconque pour l’Italie peut se trouver dans les coups d’état, dans les dictatures opposées à ce qu’on appelle le débordement révolutionnaire. La liberté, quoique récente, s’est si promptement acclimatée au-delà des Alpes, elle est si bien entrée dans les mœurs, que personne ne peut songer à y toucher. Pour faire un coup d’état, il faudrait, ce me semble, un dictateur. Le dictateur, ce n’est pas sans doute ce roi qui ne demande qu’à aller chasser ou combattre quand il le faut, laissant ses ministres gouverner, le parlement délibérer, la presse discuter, la nation tout entière vivre comme elle l’entend, et au-dessous du roi, ce n’est pas plus le général Ménabréa que le général La Marmora, ou M. Rattazzi ou M. Ricasoli. Qu’on ne s’y trompe, pas en effet, ces distinctions qu’on imagine quelquefois entre un parti conservateur