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significations très différentes, qui, par sa nature et par ses conséquences, pouvait changer subitement toutes les conditions de la politique française. A entendre ceux qui se sont jetés sur cette expédition de Rome comme sur une proie, et qui étaient intéressés en effet à y voir une dernière chance, une chance inespérée, il semble que la question est toujours entière, que cette souveraineté politique du saint-siège, pour laquelle ils ont bien le droit de se passionner, est encore une réalité toute-puissante, comme elle l’a été dans d’autres temps, et que la France n’a pu avoir d’autre pensée que de voler au secours du pouvoir temporel pour le raffermir sur ses bases. Il serait vraiment un peu tard pour la France ; si elle avait songé réellement, si elle pouvait songer à aller sauver le pouvoir temporel, elle aurait dû y penser plus tôt et ne pas attendre la fin. Si la papauté temporelle vient de passer vingt mauvaises années, si elle en est arrivée au point de détresse où elle est aujourd’hui, il me semble que c’est sous les yeux, un peu avec le concours, beaucoup avec la tolérance de la politique française que se sont accomplis tant d’événemens qui ont plus qu’à demi tranché le problème.

La France était bien là, je suppose, lorsque commençait en 1856, dans le congrès de Paris, cette sorte de mise en état de siège de la papauté temporelle. Elle n’était point sans doute étrangère à ces événemens de 1859, dont la première, l’irrésistible conséquence était la séparation de la Romagne, et c’était la politique française qui adressait, non plus aux Piémontais, mais à tous les Italiens, ces paroles retentissantes, faites pour leur tracer le chemin vers tout ce qui est arrivé : « La Providence favorise quelquefois les peuples en leur donnant l’occasion de grandir tout à coup ; mais c’est à condition qu’ils sachent en profiter. Profitez donc de la fortune qui s’offre à vous… Unissez-vous dans un seul but, l’affranchissement de votre pays. Organisez-vous militairement ; volez sous le drapeau du roi Victor-Emmanuel… » Lorsqu’en 1860 s’accomplissait l’invasion de l’Ombrie et des Marches, qui donc était à Rome, si ce n’est la France ? Elle a blâmé, je le veux, l’invasion, elle a dégagé sa responsabilité, et en définitive elle a renfermé son action dans un périmètre purement militaire, protégeant uniquement ce que l’ombre de son drapeau pouvait couvrir. Et ce congrès qui devait se réunir déjà, il y a sept ans, pour délibérer sur les affaires du saint-siège, qu’est-ce donc qui l’empêchait de se réunir, si ce n’est une brochure française ? Lord John Russell écrivait assez naïvement en ce temps-là : « Lorsque des brochures et des journaux qui sont censés reproduire les opinions du gouvernement français disent que l’autorité du pape doit être limitée à la ville de Rome, les populations de l’Ombrie et des Marches se soulèvent et