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dans les états pontificaux et le danger grandir, informé d’ailleurs de tout ce qui se préparait, le gouvernement français, dis-je, faisait ce qu’il avait promis : il prévenait le gouvernement italien que le moment était venu d’en finir, et, au cas où on ne ferait rien à Florence, il se tenait prêt à aviser lui-même par une intervention nouvelle. Voilà ce qui était arrivé entre le Ier et le 16 octobre, de telle façon que M. Rattazzi se trouvait avoir conduit l’Italie au seuil d’un conflit avec la France. Il ne persistait pas moins. Il se laissait tromper par une illusion et par un souvenir ; il se figurait que ce qui avait été heureusement accompli en 1860 par l’invasion de l’Ombrie et des Marches, il pouvait le renouveler sans rencontrer plus d’obstacles. Il oubliait d’abord qu’il n’était pas Cavour, et puis qu’on n’était plus en 1860. Il ne sentit la gravité de ce qui se passait que lorsqu’il fut prévenu, à n’en pouvoir douter, qu’il n’y avait plus à s’y méprendre, que l’intervention était décidée, que, si l’armée italienne allait à Rome, c’était la guerre, et la guerre, c’était peut-être une armée française à Florence au lieu d’un corps d’occupation à Civita-Vecchia et à Rome, c’était le péril de la dynastie et de l’unité italienne elle-même.

Et pour jouer cette étrange partie, sur quoi M. Rattazzi pouvait-il compter ? Il aurait trouvé des soldats, je n’en doute pas ; il n’est pas moins certain que ces forces imposantes dont il se vantait de pouvoir disposer se réduisaient à quelque 15,000 hommes placés sur la frontière pontificale, et que l’armée italienne n’était nullement prête à entrer dans une telle lutte. Un instant, à voir cet entrain dans le danger, on a cru que l’Italie avait au moins la Prusse derrière elle. C’eût été vrai plus tard sans doute, ce n’était pas vrai encore : l’Italie était seule. Voilà dans quelles conditions M. Rattazzi acceptait l’idée d’une guerre avec la France ! Quand il se vit en face de cette situation qu’on lui présentait en traits saisissans, il était personnellement trop engagé déjà pour reculer ; mais avant d’aller plus loin, avant de donner ce signal suprême dont il a parlé, il voulut en appeler une dernière fois au roi en lui offrant sa démission, pour lui laisser toute liberté. Je ne sais si Victor-Emmanuel s’y attendait ; il demanda quelques heures pour réfléchir. Au fond, dès le premier moment, il avait accepté cette démission dans sa pensée, et franchement il ne pouvait mieux faire.

Il est facile à un homme qui passe au pouvoir de sauver sa popularité en laissant son pays dans les plus menaçantes complications ; c’est en réalité ce que faisait M. Rattazzi, sans le vouloir, je veux le croire. Sa démission, quoique tardive, avait du moins l’avantage de marquer un temps d’arrêt dans la précipitation des choses, d’ouvrir une issue, et par le fait cette simple éventualité d’un nouveau