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quelques-unes qui dominent toutes les autres et donnent à ce triste incident de la politique contemporaine une signification plus générale en le rattachant à toute une situation, à tout un ordre d’événemens.

C’est une vérité frappante qu’il y a une logique dans les fautes comme il y a une logique dans les prospérités. Supposez la France dans une de ces phases d’éclat et d’ascendant où elle s’est trouvée d’autres fois, tout ce qui est arrivé aurait pu être probablement évité. Si la politique française n’avait pas eu depuis quelques années de ces « journées pesantes, » de ces « angoisses patriotiques » dont on a fait le sincère aveu, si elle n’avait pas été obligée de se retirer du Mexique pour échapper à une guerre désastreuse avec les États-Unis, si elle n’avait pas été si cavalièrement évincée par la Russie dans ses négociations sur la Pologne, si dans l’affaire du Danemark elle n’avait pas vu périr un allié protégé pourtant, lui aussi, par toutes les signatures possibles, si aujourd’hui encore elle ne se trouvait pas en présence du traité de Prague, dont elle a négocié les préliminaires et dont l’exécution, laissée aux soins de la Prusse, deviendra ce qu’elle pourra, si tout cela n’était pas arrivé, la politique française, plus libre, plus maîtresse de ses résolutions, eût été sans doute moins pressée de voler de nouveau à Rome pour prendre une sorte de revanche, pour manifester un ascendant mis en doute. Et l’Italie elle-même, si elle n’eût pas vu les embarras de la France, les incertitudes de l’Europe, l’Italie n’eût point cédé à cette tentation périlleuse de saisir la fortune au passage. Elle n’eût pas cru distinguer une occasion favorable là où il n’y avait qu’un grand piège, elle eût été enfin plus patiente, plus prévoyante. Et, voilà justement la fatalité de cette situation où la France, pour enlever un succès du moment, pour faire acte d’influence et de force, a hasardé toute sa politique au risque de se démentir elle-même et peut-être de tomber dans des embarras nouveaux, — où l’Italie, pour aller plus vite au bout de ses destinées, a exposé tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle a conquis depuis 1859.

Il y a une autre cause inhérente à la nature même des rapports de la France et de l’Italie. La vérité est que depuis huit ans ces rapports n’ont point eu ce caractère de netteté qu’ils devaient avoir. La France a un peu trop traité l’Italie comme une fantaisie, comme une décoration de sa politique, ou, si on l’aime mieux, comme un enfant gâté à qui on permet beaucoup, pourvu qu’il ne s’émancipe pas trop vite. Elle a vu dans cette nation italienne qu’elle venait d’affranchir moins une alliée à s’assurer, à laisser grandir dans son indépendance, qu’une cliente à demi subordonnée sur laquelle elle a gardé une sorte de haute surveillance. Elle n’a pas remarqué