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côté sur le territoire pontifical pour se replier bientôt devant la France, — et voilà la question romaine qui se relève tout à coup comme une énigme inquiétante avec toutes ses complications et ses impossibilités, ravivant toutes les passions religieuses et politiques, remuant l’Europe, rouvrant à l’improviste pour l’Italie l’ère des occupations étrangères, pour la France l’ère des interventions sans issue. C’est la phase de la convention du 15 septembre 1864 qui s’achève au milieu du bruit des armes, c’est la seconde expédition de Rome qui commence dix mois après la fin de la première et dans des conditions singulièrement aggravées : expédition malheureuse en effet, qui n’est ni la guerre ni la paix, qui ressemble moins à une campagne qu’à une échauffourée politique sans gloire et sans profit ; crise violente et aiguë qui, en soumettant à la plus redoutable épreuve la libérale alliance de deux nations faites pour marcher ensemble, laisse l’Italie humiliée et frémissante, la France étonnée et inquiète de se voir lancée de nouveau dans une entreprise où elle a déjà si peu réussi, la papauté accablée sous le poids d’une victoire plus apparente que réelle, la question romaine aussi vivante et plus obscure que jamais !

L’Europe a certes passé par bien des confusions et des contradictions depuis quelques années ; la révolution italienne est féconde en surprises et en coups de théâtre. Rien n’égale ce qui vient de se passer dans ce coin de terre papale, qui a été rougi d’un sang généreux, où se sont rencontrées un instant, sous des drapeaux différens, quatre armées dont le choc pouvait mettre le feu au monde. Et ce qu’il y a de caractéristique, d’attristant dans cette crise, c’est qu’elle n’a été vraiment l’œuvre d’aucune nécessité impérieuse. L’imprévoyance l’a préparée, les impatiences et les fautes l’ont précipitée, les passions, les susceptibilités, les malentendus l’ont envenimée, et une heure est venue où toutes les situations se sont trouvées faussées, où France et Italie, sans le vouloir, presque sans le savoir, se sont vues poussées à je ne sais quel conflit impossible par une sorte de fatalité, contre leurs traditions, contre leurs idées, contre leurs intérêts, contre toutes les vraies et saines inspirations de leur politique. Comment donc a pu éclater un déchirement si soudain et si profond ? comment s’est noué ce drame dont les personnages sont la France, le pape et l’Italie ? Et quel est enfin le dernier mot de cet imbroglio sanglant qui vient de retentir si bruyamment pour aller se perdre de nouveau dans les assoupissantes obscurités d’une négociation diplomatique ? Bien des causes intimes, accidentelles, frivoles, je le crains, ont pu sans doute à un certain moment précipiter et aggraver la crise ; il en est peut-être