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tous ceux que possèdent les autres nations maritimes ; un bâtiment très puissant peut à lui seul en remplacer plusieurs d’une force moindre. Il serait très facile de construire un navire qui porterait une armure tellement épaisse et des canons si puissans que les cuirassés de la France devraient craindre autant sa rencontre que nos anciens vaisseaux en bois redouteraient aujourd’hui de se trouver en face du plus redoutable des navires cuirassés actuellement à flot. » Plus loin il ajoute qu’il n’y aurait aucune difficulté à embarquer sur un bâtiment construit suivant les principes qu’il expose un approvisionnement de charbon assez considérable pour lui faire faire le tour du monde à une vitesse réduite, ou pour lui faire traverser l’Atlantique à toute vapeur. La frégate Cuirassée prussienne Wilheim Ier, actuellement en construction sur les chantiers de la Tamise, et dont les plans sont de M. Reed, est sans doute une application des idées de cet ingénieur sur l’avenir des vaisseaux de combat ; La longueur de ce navire sera de 108 mètres, son déplacement de 9,900 tonneaux environ, ses plaques auront 20 centimètres d’épaisseur, ses canons seront au nombre de 30, et plusieurs d’entre eux pèseront, assure-t-on, près de 50 tonneaux. Les Anglais vont-ils marcher dans cette voie, et leur verrons-nous bientôt entreprendre la construction de nouveaux bâtimens cuirassés qui leur ménageraient, par rapport à notre flotte de guerre, des succès analogues à ceux du Great-Eastern ? Les flottes françaises ont toujours compté dans leurs rangs des types, que les marines étrangères n’ont jamais surpassés : nos vaisseaux de 80 et notre Napoléon ont été à deux époques bien différentes les rois de l’océan. Il est permis d’espérer que nous ne nous laisserons pas davantage dépasser aujourd’hui, et que nous ne mentirons pas aux traditions de notre passé maritime.


A. DE KERANSTRET.