liées. Si l’éperon doit être l’arme la plus usitée et la plus décisive, il importe que les navires de guerre soient avant tout appropriés à ce nouvel engin. Les diverses manœuvres d’un combat de bâtiment à bâtiment paraissent plus faciles à prévoir que celles d’une véritable bataille navale ; l’avantage restera le plus souvent à celui des deux navires qui aura une vitesse supérieure : il se dirigera droit sur son adversaire, il gouvernera pour se ranger dans ses eaux à petite distance et le serrer de près ; la supériorité de sa marche lui facilitera cette manœuvre, et dès qu’il aura pris position à l’arrière de l’ennemi, il sera sûr de pouvoir l’attaquer avec son éperon dans une des deux hanches ; si la supériorité de sa vitesse n’est pas suffisante pour lui permettre d’enfoncer par le choc les œuvres vives de son adversaire, il pourra au moins lui démonter le gouvernail ou engager son éperon dans l’hélice, le priver ainsi de l’une ou l’autre de ses facultés essentielles. Le bâtiment qui aura une marche moins rapide se trouvera par cela même frappé d’une grande infériorité pour la lutte ; la seule ressource pour lui sera de payer d’audace. Si au début de l’action il court sus à l’ennemi, si, après l’avoir dépassé, il tourne rapidement sur lui-même pour lui présenter toujours son avant, s’il manœuvre en un mot pour l’empêcher de prendre position dans ses eaux à petite distance, peut-être pourra-t-il réussir à le prendre en défaut ; mais, s’il se laisse tourner par l’ennemi, il sera obligé de fuir, sans autre moyen de défense que son artillerie et les torpilles qu’il pourra mettre à la traîne dans son sillage. Quelles que soient ses qualités giratoires, il ne pourra pas dérober son arrière à l’éperon qui le menace, car, si par une manœuvre rapide et hardie il essaie de tromper son adversaire en venant brusquement sur un bord ou sur l’autre, il sera certain d’exposer son travers à un choc encore plus dangereux que le premier. Les expériences faites par l’Héroïne et les batteries flottantes dans la baie de Quiberon ont levé toute incertitude à ce sujet.
Quelquefois les deux bâtimens en présence auront des vitesses égales ou tout au moins assez peu différentes, et c’est surtout dans cette circonstance que la lutte présentera un vif intérêt, car l’issue dépendra presque uniquement du sang-froid, de l’habileté et du coup d’œil du capitaine. Chacun des deux navires tournera autour de son adversaire, épiant le moment opportun pour le primer de manœuvre et l’aborder par le travers : ce combat sera en quelque sorte comparable aux brillans tournois de nos chevaliers du moyen âge, et l’avantage restera toujours au navire qui sera le plus manœuvrant et le mieux manœuvré, comme le fameux duel du Merrimac et du premier monitor fédéral semble le faire pressentir. « Le