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monitors, ils ne seront jamais des navires capables de tenir la haute mer avec une parfaite sécurité. Pour qu’un navire puisse résister sans danger aux gros orages de l’Océan, il faut en effet que par sa construction même il possède les qualités nécessaires pour s’élever sur la lame comme le fait une bouée, indépendamment de tout effort produit par la machine ou par la voilure. Cette condition ne pourra jamais s’obtenir quand on s’écartera outre mesure du rapport que la vieille pratique a prescrit de conserver, d’une part, entre le relief des œuvres mortes et le volume de la partie immergée d’un bâtiment, de l’autre entre la surface de flottaison et le déplacement du navire. C’est pour cela que les grands monitors américains, dont le pont n’est pas élevé de plus de 0m,60 cent, au-dessus de la ligne de flottaison, ne seront jamais que des garde-côtes uniquement destinés à agir dans un rayon assez restreint et sur des. eaux tranquilles. D’ailleurs les équipages de ces bâtimens ne pourraient résister aux fatigues des croisières à cause de l’insalubrité des entre-ponts. Malgré un système de ventilation des plus parfaits, le Monadnock a été obligé pendant sa traversée d’évacuer un assez grand nombre de malades sur le vapeur qui le convoyait. Les Américains poursuivent donc une chimère ; en cherchant à construire des bâtimens de mer parfaitement invulnérables, ils se heurtent aux impossibilités de la pratique. Rouler aussi peu que le Miantonomoah vaut sans doute beaucoup mieux que de rouler autant que le Wivern des Anglais, mais ce n’en est pas moins un défaut. Lorsqu’un bâtiment est exposé à la furie des lames, il faut qu’il leur résiste et qu’il leur cède dans une sage mesure : il faut qu’il leur résiste pour n’avoir pas à supporter une trop grande fatigue causée par des roulis exagérés, qui ont en outre le grave inconvénient de paralyser ou de compromettre son artillerie ; il faut qu’il leur cède pour que la mer ne s’élève pas trop le long de ses flancs, comme elle le fait sur les rochers, si souvent couverts à une grande hauteur par suite de la résistance et de l’inertie qu’ils opposent aux vagues. C’est à ce prix qu’un navire est vraiment capable de tenir la haute mer ; mais, pour devenir aujourd’hui et dans la plus récente acception du mot un navire de combat, il a encore d’autres conditions à remplir.

Il serait certainement très hasardeux de chercher à décrire avec précision les différentes phases des futures luttes sur l’océan, car en pareille matière les enseignemens de l’expérience sont seuls concluans ; toutefois, en l’absence d’indications de ce genre, il serait imprudent de ne pas essayer de nous rendre compte par avance du mode de combat de l’avenir, car les questions de construction, d’armement et d’aménagement de nos vaisseaux y sont intimement