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Les précédens établis sans réflexion sont recueil principal des assemblées délibérantes, et l’influence de celui-ci fut d’autant plus funeste que la représentation provinciale était alors sur une pente déclive qu’il lui fallut plus d’un demi-siècle pour remonter. Les hommages prodigués au monarque par la France victorieuse et par l’Europe éblouie avaient fasciné cette assemblée de gentilshommes dont les fils entraient alors en foule dans les armées du roi et dans sa marine renaissante. Le prestige du jeune souverain, illuminé par la gloire et célébré par le génie, ne fut pas moindre dans la province qu’à la cour, car l’idolâtrie est contagieuse surtout lorsqu’elle est sincère. Après avoir résisté avec une fermeté respectueuse à Henri IV et à Richelieu, les états ne résistèrent à Louis XIV que dans la mesure strictement requise pour ne pas rompre avec les traditions de la Bretagne. Rappeler au roi les droits de la province, lui révéler ses maux, y intéresser son cœur en s’en rapportant d’ailleurs à sa bonté, telle fut leur ligne de conduite sous un gouvernement aspirant à toutes les gloires, excepté à celle qui assure le bonheur public. Les tenues suivantes constatèrent l’abdication à peu près complète des trois ordres et leur résolution de n’élever désormais aucun conflit avec la royauté et de ne jamais invoquer leur propre droit contre le sien.

Colbert dirigea souverainement toutes les opérations des états en 1665 et en 1667, par l’intervention de son frère, que le contrôleur-général y fit nommer commissaire du roi. M. Boucherat remplit le même rôle à ceux de 1669, et le chiffre du don gratuit, qui varia de 2,200,000 à 2,600,000 livres, ne fut plus débattu que pour la forme. Aucun changement ne se révèle d’ailleurs dans les actes extérieurs de l’assemblée. La plus grande partie de son temps s’écoute dans l’accomplissement d’un cérémonial minutieux. C’est le même protocole, ce sont les mêmes formules et les mêmes harangues ; il ne manque à tout cela que la vie, qui s’est retirée. La députation en cour va porter tous les ans à Versailles des cahiers textuellement copiés sur ceux que traçait la génération précédente ; dans le contrat annuel passé entre les délégués de la couronne et ceux des états, toutes les libertés de la Bretagne sont encore énumérées avec une fermeté de langage fort étrangère à la langue habituelle du temps : on supplie périodiquement sa majesté de révoquer tous les édits contraires au droit qui appartient à la province de s’imposer et de s’administrer elle-même ; mais, lorsqu’au lieu de déférer à ce vœu, il arrive au roi de décréter d’autres taxes plus accablantes, les états, au lieu d’user de leur droit constitutionnel de