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appauvrie pour faire face aux charges qui lui furent successivement imposées par les succès, puis par les désastres du grand règne. Quoi qu’il en soit, le refus des commissaires contraignit les états à porter l’impôt des boissons à un taux qui réagit à l’instant sur la consommation en diminuant sensiblement les recettes, leçon élémentaire d’économie politique dont tout le monde avait besoin, mais qui ne profita à personne.

Cette question vidée, une autre s’éleva. Organes d’un gouvernement engagé dans une lutte violente contre la magistrature du royaume, les commissaires maintenaient qu’après le vote approbatif des états les édits royaux étaient immédiatement exécutoires sans que la vérification en dût être faite au parlement de la province. Les états tenaient au contraire pour constant, sans admettre en rien le parlement au partage du pouvoir législatif, que l’enregistrement par cette cour souveraine pouvait seul imprimer aux actes de l’autorité royale l’authenticité qui les rendait obligatoires. « L’un de nos privilèges les plus importans, et que les prédécesseurs de sa majesté ont toujours reconnu et respecté, c’est qu’ils ne pourront imposer aucun tribut ni subside sans notre préalable et exprès consentement suivi de la vérification de la cour souveraine, ce qui est la primitive convention et la loi fondamentale entre nos rois et les états confirmée par sa majesté elle-même au mois de septembre 1645. Sera donc très humblement suppliée sa majesté de conserver en cela les franchises et privilèges de notre pays[1]. »

Ces désaccords entre les représentans de la couronne et ceux de la province étaient d’ailleurs singulièrement aggravés par l’attitude qu’affectait le duc de La Meilleraye, à qui son titre de commandant de la province attribuait le rang de premier commissaire du roi aux états. Devançant d’un siècle le maréchal de Montesquiou par les allures comme par le langage, M. de La Meilleraye n’opposait qu’un mot à toutes les difficultés, c’est que le roi le voulait. Son premier mouvement était de réclamer des régimens pour trancher d’un seul coup avec ces subtilités légales, nullement comprises par un militaire bien placé en face d’une insurrection parisienne, mais fort incapable de pratiquer les devoirs d’un gouverneur sur un terrain tel que celui de la Bretagne. Dans un temps de crise qui voyait la fronde des princes succéder à celle des magistrats en attendant que le populaire vînt se mettre de la partie, la famille du maréchal semblait prendre à tâche de blesser simultanément la fière aristocratie dont le blason valait bien celui de la maison de La Porte et la riche bourgeoisie de la ville de Nantes, résidence habituelle du gouverneur lorsqu’il n’était pas à la cour.

  1. Registre des états, 30 avril 1647.