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dans une sorte de situation exceptionnelle qui contrastait avec le régime insensé qu’une avidité imprévoyante faisait peser sur les contrées voisines. A la franchise du commerce du sel, assurée de temps immémorial à cette province, la persévérance de leurs réclamations parvint à joindre l’abolition à peu près complète de la traite foraine, dont l’effet aurait été de rendre ses frontières de terre inabordables.

Déjà aux prises dans Paris avec les résistances parlementaires, Mazarin ne voulut pas s’exposer, pour le seul intérêt de grossir le trésor particulier de la régente, à exaspérer une province dont la fidélité allait être mise à de rudes épreuves. Il recula devant l’opposition des états, et les lettres de provision furent expliquées en ce sens qu’elles ne dérogeraient en rien aux usagés et privilèges particuliers de la Bretagne.

Malgré cette concession, la tenue de 1647 fut fort orageuse, la province semblant vouloir faire payer par l’énergique revendication de ses propres droits le loyal concours donné par elle à la royauté dans la crise qui commençait. La charge des fouages pesait sur les populations agricoles d’un poids qui devenait de plus en plus accablant lors même que le chiffre de l’impôt demeurait stationnaire. Il était arrivé en effet que les terres roturières, primitivement destinées à le supporter, avaient diminué d’une manière sensible par l’admission de nombreuses tenues au privilège de l’exemption, ce privilège ayant été assuré par la coutume de Bretagne aux héritages roturiers possédés durant soixante ans par des gentilshommes. La matière imposable se resserrait donc de plus en plus. Cette situation n’arrêta pas le surintendant Émery, contraint de chercher partout des ressources nouvelles pour acquitter le prix onéreux de nos victoires. En faisant valoir l’éclat de ces triomphes et la nécessité d’en poursuivre le cours jusqu’à la paix, les commissaires du roi demandèrent sur cet impôt une surélévation d’environ un cinquième, laissant même pressentir que là ne s’arrêteraient pas les exigences d’un gouvernement aux abois. Des débats animés s’engagèrent donc entre les membres des états et MM. de Marbœuf, de Cucé et Fouquet, commissaires du roi. Ils se terminèrent par le refus catégorique d’élever la charge déjà exorbitante des fouages. Ne pouvant rien opposer à une pareille résolution, les commissaires en tirèrent une sorte de vengeance que peut seule expliquer l’inexpérience financière de ce temps-là. Ils refusèrent l’approbation royale à une proposition soumise à l’assemblée par sa commission des finances, et tendant à rétablir au moyen d’un emprunt l’équilibre rompu entre les recettes et les dépenses. Le système des emprunts pour couvrir les charges ordinaires était très périlleux sans nul doute, mais il ne tarda pas à devenir l’unique ressource de la province