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inévitable de notre province. Ils ont cru, sans intéresser le respect qu’ils doivent à votre majesté et à la reine régente, pouvoir par leurs députés vous faire leurs remontrances sur le sujet de ces lettres. Les passeports introduits dans la province y rendront le commerce privatif à ceux qui les auront obtenus, et, ce faisant, les particuliers seront contraints de leur vendre leurs denrées à tels prix qu’ils voudront. Par les mêmes règlemens, les capitaines de navires sont tenus de faire déclaration aux bureaux de tout ce qu’ils portent et rapportent, et qui est-ce qui voudra se commettre à tant de minutieuses obligations et trafiquer parmi tant de périls et de hasards ? Quant aux pouvoirs départis par ces lettres aux officiers particuliers de l’amirauté, la province se verrait réduite à l’extrême misère par les vexations de ces agens en conflit nécessaire avec les anciens officiers. Nous ne doutons pas, sire, que, si la reine-régente votre mère se donnait la peine d’exercer cette charge par elle-même, toutes choses ne succédassent au plus grand avantage de vos sujets, dont les intérêts se confondent avec ceux de votre état ; mais nous ne pouvons espérer une telle faveur, et nous devons nous attendre à voir ces fonctions, nécessairement déléguées par elle, tomber aux mains de personnes qui chercheraient plutôt leur intérêt particulier que l’intérêt général et le bien de votre peuple, lequel, sur ces considérations, attend de votre bonté et justice l’effet de votre inviolable parole, assuré qu’éclairé par ces observations respectueuses vous révoquerez en ce qui regarde la province de Bretagne tout droit de passeport, congé, établissement de juges, greffes et bureaux de la marine nouvellement attribués à ladite charge.

« Arrêté en l’assemblée des états le 27 avril 1647, signé : de Beauvau, évêque de Nantes, Henri Chabot, duc de Rohan, Jean Charette. »

Cet énergique appel à la liberté des transactions était conforme à toutes les traditions des états. Il n’est guère de cahier qui ne contienne des remontrances contre les obstacles opposés à la circulation des marchandises tant à l’importation qu’à l’exportation sur les frontières de l’ancien duché. La liberté du commerce des céréales par la voie territoriale ou maritime est l’un des objets qu’ils rappellent avec le plus d’insistance. Ils n’en mettent pas moins à obtenir relativement à leurs toiles, objet principal de l’industrie de la province, le droit de libre sortie pour l’Espagne et le Portugal, et nous les voyons à chaque tenue protester contre une désastreuse réglementation déterminée par des considérations purement fiscales, étrangères à toute pensée de protection industrielle ou agricole. L’un des services les plus éclatans que les états aient rendus à la Bretagne, c’est de l’avoir maintenue, sous le rapport économique,