Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/665

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le gouvernement de : notre pays et duché de Bretagne étant un des plus considérables de notre royaume, il est très important pour notre service qu’il soit mis entre les mains d’une personne en qui nous ayons une confiance entière et sur qui nous puissions nous reposer de la conservation de cette province sous notre autorité. C’est pourquoi nous eûmes, dès notre avènement à la couronne, la pensée de prier la reine régente, notre honorée dame et mère, de l’accepter, et nous avons été de plus en plus confirmés dans ce dessein par les instances que nous ont faites les ordres du pays pour recevoir cet honneur. »

Ces lettres royales, données le 30 mars 1647, étaient notifiées aux états peu de semaines après, et ceux-ci accueillaient l’heureuse nouvelle avec les plus ardentes acclamations. Anne d’Autriche fut un moment Anne de Bretagne. La province se mit en fête, et un premier présent de 300,000 livres fut offert à la reine gouvernante par les trois ordres ; ils poussèrent même l’attention jusqu’à y joindre 8,000 livres pour le sieur de Lyonne, secrétaire des commandemens de sa majesté ; mais il en est des joies populaires comme de toutes les autres : elles sont exposées à n’avoir pas de lendemain. Quelques jours après, les états reçurent communication du texte des lettres de provision adressées à la royale gouvernante. Or ces lettres accordaient à cette princesse des droits si nouveaux, elles lui attribuaient surtout en sa qualité de surintendante de la navigation du royaume des prérogatives d’une telle étendue pour taxer arbitrairement les navires et les marchandises, qu’il aurait été facile de faire sortir de pareilles dispositions l’anéantissement de tout le commerce maritime de la province. L’inquiétude se répandit partout, et la ville de Nantes, à raison de l’importance de ses transactions, dut en être plus particulièrement atteinte. Les états s’en firent les organes en adressant à Louis XIV un mémoire dans lequel cette assemblée sut concilier son respect pour la royauté, alors représentée par un enfant, avec la ferme revendication de tous ses droits.

« Sire, les gens des trois états de votre province de Bretagne ont été ravis de joie quand ils ont vu que votre majesté avait eu agréable de donner le gouvernement de ladite province à la reine régente, mère de votre majesté. Ils ont pensé que c’était le comble de leur bonheur, et c’est pour cela qu’ils ont fait tant d’instance par leurs députés pour tomber sous la direction et protection spéciale de cette bonne, sage et heureuse régente.

« Mais ils ont été extraordinairement surpris de voir que dans les mêmes lettres on lui a attribué sous le nom de grand-maître, chef et surintendant de la navigation et commerce, des droits tellement importans, que l’établissement d’iceux attirerait la ruine