Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans un nimbe d’illusions
Apparaîtrait blanche et légère ;

Qu’elle aurait la fierté des rois,
L’élégance et l’étourderie,
Et cet esprit de moquerie
Dont sur le trône on meurt parfois.

Je dis esprit, qu’on me comprenne,
Et non intelligence, hélas !
Dons qui ne se ressemblent pas !
Elle avait de l’esprit, la reine !

Marie, aux temps d’Elisabeth,
En eut aussi, l’infortunée !
Non moins charmante et bien tournée,
Celle dont la tête tombait !

On dit : « Elle naquit coiffée,
Dès le berceau lui vint l’esprit ; »
Ce fut par là qu’elle périt.
L’esprit, c’est le don de la fée

Qu’au baptême on n’invita point,
L’aimant qui scintille, éphémère,
Tandis que la foudre agglomère
Toutes ses rages sur ce point !

V


La foudre aussi devait l’atteindre,
La noble dame aux fiers regards ;
On l’acclamait de toutes parts,
Un seul cria : « Qu’elle est à plaindre ! »

Et cet homme était presque un fou ;
Jung Stilling, un visionnaire[1].
Il criait : « J’entends le tonnerre,
Et je vois du rouge à son cou ! »

  1. Esprit extatique, avide de merveilles, de miracles, traversé de tous les vagues orages du moment, ce Jung Stilling est très connu dans la camaraderie de Goethe à Strasbourg. Voyez aussi comme éclair prophétique la scène de l’hôtel de ville dans les mémoires de Goethe (Dichtung und Wahrheit).