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expédition doit être tenue secrète. Votre colonne de Terracine ne doit se mettre en mouvement que pour arriver au moment de l’entrée du général Miollis à Rome. Peut-être sera-t-il inutile qu’elle entre dans la ville, mais il est nécessaire qu’elle en approche à quatre ou cinq lieues. Je charge le vice-roi de vous faire connaître le jour où le général Miollis arrivera à Rome, afin de ne marcher qu’au dernier moment. Je me réserve de donner des ordres ultérieurs lorsque Miollis sera arrivé à Rome[1]. »


Là ne s’était point bornée l’attention donnée par l’empereur à cette grande affaire de la prise de Rome. Les soins apportés à la direction de cette opération militaire, le secret rigoureux imposé aux agens chargés de la préparer et de la conduire, toutes ces précautions prises pour mieux surprendre le pape dans Rome, n’avaient pas suffi à Napoléon. Il lui fallait aussi songer aux instructions à faire parvenir à M. Alquier. L’empereur y avait également pourvu.


« Le 25 janvier, l’armée française sera à Perugia, écrivait-il à M. de Champagny ; le 3 février, elle sera à Rome. L’estafette partant le 23 arrivera à Rome le 1er février, et portera ainsi vos ordres au sieur Alquier deux jours avant que les troupes arrivent. Vous devez faire connaître au sieur Alquier que le général Miollis, qui commande mes troupes, et qui a l’air de se diriger sur Naples, s’arrêtera à Rome et prendra possession du château Saint-Ange… Lorsque le sieur Alquier saura que les troupes sont à la porte de Rome, il présentera au cardinal-secrétaire d’état une note conçue en ces termes… (Dans la note jointe à la lettre de l’empereur, et que devait présenter M. Alquier, il était dit que l’arrivée du général Miollis avait pour but de protéger les derrières de l’armée de Naples, que chemin faisant il se rendait à Rome pour prêter main-forte aux mesures que l’empereur avait résolu de prendre pour purger cette ville des brigands auxquels elle avait donné asile, et par la même occasion de tous les ennemis de la France…) Le sieur Alquier s’opposera à toute circulation d’imprimés ou actes quelconques contraires à la France que le gouvernement romain voudrait publier ; il en rendra responsables la police et les libraires de Rome… Vous mettrez en chiffres dans votre dépêche au sieur Alquier le paragraphe suivant : l’intention de l’empereur est d’accoutumer par cette note et par ces démarches le peuple de Rome et les troupes françaises à vivre ensemble, afin que, si la cour de Rome continue à se montrer aussi insensée qu’elle l’est, elle ait cessé insensiblement d’exister comme puissance temporelle sans qu’on s’en soit aperçu… Il est convenable du reste, si tout se passe tranquillement ; que le sieur Alquier donne une fête aux officiers français, à laquelle il invitera les principales dames de Rome… Il aura soin que les gazettes parlent sans ostentation de l’entrée des Français et dans le sens de la

  1. Lettre de l’empereur au roi de Naples, 10 janvier 1808. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVI, p. 236.