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hérétiques anglais ne lui en auraient pas beaucoup voulu au fond d’avoir consenti par force à leur fermer ses ports, dont la marine pontificale était à coup sûr hors d’état de garantir la neutralité ; mais au moment où le système du blocus continental était l’arme principale et maintenant unique dont l’empereur pouvait se servir contre eux, nul doute que cette mesure ne fût considérée par le cabinet britannique comme une déclaration de guerre. Il avait effectivement ouvert les hostilités contre toutes les puissances du continent auxquelles l’empereur avait imposé l’obligation d’entrer dans son alliance maritime contre l’oppressive Angleterre. Pie VII ne pouvait donc se dissimuler à lui-même qu’il risquait de voir immédiatement interrompre, par sa tardive, mais complète adhésion au blocus continental, ses relations spirituelles avec quatre millions de catholiques répartis sur la surface des possessions de la Grande-Bretagne. C’était du salut des âmes de ces quatre millions de catholiques qu’il avait été si souvent question dans les dépêches officielles du Vatican et dans les lettres intimes et personnelles que le saint-père avait adressées à Napoléon de sa propre main. Nombre de fois il avait représenté les bons rapports avec l’Angleterre comme nécessaires au salut de cette portion considérable du troupeau catholique, dont il était le pasteur ; il n’avait point cessé de soutenir que ses devoirs de père commun des fidèles ne lui permettraient jamais de les compromettre en rien. Dans cette occasion, si le prince temporel avait eu parfaitement raison de céder quand la résistance devenait trop dangereuse, à coup sûr le souverain pontife s’était mis avec lui-même dans une évidente contradiction, et la position de son négociateur à Paris en était devenue des plus embarrassantes.

Ce n’était point sur Napoléon qu’on pouvait compter pour aider le cardinal de Bayanne ; car, ainsi que nous l’avons raconté, il ne lui convenait pas de s’arranger. Il ne tenait pas à être satisfait ; il voulait tout ou rien. Au fond, il préférait certainement que le pape n’accordât rien ; alors il aurait eu sous la main le prétexte dont il était en quête pour s’emparer de Rome. Les concessions un peu fâcheuses pour son caractère sacerdotal auxquelles le malheureux Pie VII s’était enfin résigné après tant d’anxiétés et de combats intérieurs ; ne devaient point d’ailleurs lui profiter. A peine son négociateur eut-il donné à entendre à M. de Champagny que, moyennant certaines restrictions, le saint-père pourrait peut-être s’engager avec l’empereur contre les infidèles et les hérétiques, que M. de Champagny reprit soudain sa première thèse. L’offre du pape ne suffisait plus. Il fallait un engagement plus général pour le présent et pour l’avenir. Il était nécessaire que Pie VII promît de faire cause commune avec l’empereur contre tous ses ennemis. Pareille