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l’offenser. — Quand je dis que vous êtes mon ennemi (et d’abord vous n’êtes pas Sicilien pour rien), je n’entends pas que vous m’ayez dit des injures ; mais vous avez désiré que je fusse réduit à néant, que mes armées fussent battues et que mes ennemis triomphassent. J’entends par là que vous avez maintenu des relations suspectes avec la Russie. Et vous n’êtes pas le seul à me souhaiter du mal. Le nonce à Vienne et tous vos ministres en font autant, et vous y avez peut-être mis moins d’animosité qu’un autre, parce qu’au moins quelquefois vous avez donné de bons conseils. Par exemple, quand l’empereur François a abdiqué la couronne d’Allemagne, et quand s’est formée la confédération du Rhin, vous avez écrit que, les circonstances étant changées, le pape pouvait bien aussi changer de système. N’est-ce pas vrai ? Eh bien ! vous voyez par là que je suis au fait de tout. Quant au nonce de Vienne, il s’est amusé à écrire des chimères. N’a-t-il pas voulu faire croire que je songeais à me faire empereur d’Occident ? Je n’ai jamais eu cette idée. Je ne dis pas que cela ne puisse arriver ; mais alors certainement je n’y pensais pas. Que signifient ses conférences avec le ministre anglais et le ministre russe et ses communications avec le comte de Stadion ?… En somme, tous vos agens et tous vos ministres sont mes ennemis. Et à Rome aussi on ne pense pas mieux qu’ailleurs. Le pape est un saint homme auquel ils font croire tout ce qu’ils veulent. Ils lui représentent mes demandes sous un faux aspect, comme a fait le cardinal Consalvi, et alors le bon pape s’échauffe à dire qu’il se laissera plutôt tuer que de céder. Qui pense à le tuer, bon Dieu ? S’il n’en passe point par où je veux, je lui ôterai certainement le domaine temporel de Rome, mais je le respecterai toujours comme chef de l’église. Il n’y a aucune nécessité à ce que le pape soit souverain de Rome. Les papes les plus saints ne l’étaient pas. Je lui ferai un bon apanage de trois millions pour qu’il puisse convenablement représenter, et je mettrai à Rome un roi ou un sénateur, et je partagerai son état en autant de duchés. En réalité, le fond de la chose est que je veux que le pape accède à la confédération, j’entends qu’il soit l’ami de mes amis et l’ennemi de mes ennemis. Je suis le protecteur de l’église, et il faut que le pape soit avec moi, s’il veut rester souverain, et bien certainement il le restera, s’il agit à ma guise, parce que je n’ai jamais entendu lui ôter la souveraineté de Rome, comme on a voulu le lui persuader, car il convient que le pape ait encore Rome comme il l’a toujours eue. Pour venir au fait, je vous ai mandé afin de vous dire de quitter Dresde dans trois jours et de partir immédiatement pour Rome (vous pouvez y être dans quinze jours), et de signifier péremptoirement au pape qu’il ait à entrer dans la confédération. — Votre majesté me permettra de lui répéter ce qui lui a déjà été dit tant de fois : que le pape, étant le père commun des fidèles, ne peut se séparer des uns pour s’attacher aux autres, et, son ministère étant un ministère de paix, il ne peut