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actes hostiles contre une nation quelconque, et en nous associant à une guerre contre elle.

« Si les maux causés à la religion provenaient du fait d’autrui, tels que ceux qui résulteraient des mesures que sa majesté pourrait prendre par suite du refus de notre adhésion à ce qu’on nous demande, nous en gémirions dans l’amertume de notre cœur, et nous adorerions les jugemens de Dieu, qui les permettrait pour ses desseins secrets et providentiels ; mais si, trahissant nous-même notre caractère, la nature de notre ministère, nous venions à nous associer à un état de guerre qui provoquerait des ressentimens, source de maux pour l’église, ces maux seraient notre fait propre, et voilà précisément ce que nous ne pouvons pas faire. Nous ne pouvons, pour éviter un mal dont nous sommes menacé, occasionner par notre faute à l’église les maux dont nous venons de parler ; mais ces maux dont on nous menace ne sont pas des maux nécessaires, ils dépendent entièrement de la volonté de sa majesté, qui est libre de les réaliser ou de les éviter. Sa religion, sa justice, sa magnanimité, le souvenir de tout ce que nous avons fait pour elle, parleront à son cœur, nous voulons l’espérer encore, et ne lui permettront pas, en face des contemporains et devant la postérité, de préférer au nom de protecteur et de bienfaiteur celui de persécuteur de l’église.

« Quoi qu’il puisse arriver, nous remettrons notre cause aux mains de ce Dieu qui est au-dessus de nous, au-dessus de tous les rois les plus grands, les plus puissans, et nous compterons sur son secours divin, qui ne nous faillira pas au temps fixé par sa sagesse. Ce que sa majesté vous a dit, que, quand une fois Rome et la principauté de l’église seront en ses mains, elles n’en sortiront plus, sa majesté peut bien le croire et se le persuader facilement ; mais nous répondrons franchement que, si sa majesté se flatté avec raison d’avoir la force en main, nous savons, nous, qu’au-dessus de tous les monarques règne un vengeur de la justice et de l’innocence, devant lequel doit fléchir toute puissance humaine… Vous nous dites que l’empereur vous a fait remarquer que la chose est devenue publique, et que par conséquent il ne peut pas reculer ; mais nous devons faire considérer à sa majesté qu’elle ne peut rien perdre de sa grandeur et de sa magnanimité quand c’est non pas devant un potentat de la terre, devant un rival de sa puissance qu’il cède et fléchit, mais devant les représentations et les prières d’un prêtre de Jésus-Christ, de son père et de son ami. Si cette réflexion ne suffit pas pour le persuader, nous devons lui dire avec une liberté apostolique que, si sa majesté est engagée d’honneur devant les hommes, nous sommes engagé de conscience devant Dieu, que jamais le chef de l’église ne prendra part à la guerre, que certainement nous ne serons pas le premier à donner à l’église et au monde un exemple qu’aucun de nos prédécesseurs n’a donné durant dix-huit siècles, celui de nous associer à un état de guerre