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Rome. L’administration de la justice lui était laissée, mais il ne devait plus entrer dans aucun détail de police ou d’administration sans prendre avant tout les ordres du commandant français de la place[1]. » Mgr Negreta ayant, d’après les ordres du saint-père, annoncé l’intention de continuer à exercer l’intégrité des fonctions qui relevaient de sa place, le général Duhesme lui montra un ordre daté de Milan, signé par le prince Eugène Napoléon, qui lui enjoignait, à la première opposition qu’il rencontrerait de la part du gouverneur de Civita-Vecchia, de déclarer cette ville en état de siège et de renvoyer le représentant du pouvoir pontifical[2]. Peu de jours après, Mgr Negreta persistant dans son refus, Civita-Vecchia avait été effectivement mis en état de siège[3], en suite de quoi le représentant du saint-père avait été, malgré sa protestation, enlevé de vive force dans le palais de sa résidence officielle, mis en voiture et reconduit par une escorte de soldats français sur la route de Civita-Vecchia à Rome[4].

On le voit, Napoléon avait résolu de ne laisser ni paix ni trêve à Pie VII. Il s’y prenait avec lui comme il avait toujours fait avec ses adversaires à la guerre, combinant tous ses efforts, réunissant tous les moyens dont il disposait afin de frapper à un moment donné quelque coup soudain et irrésistible. C’était pour jeter le trouble dans l’âme facilement ébranlable de l’inoffensif vieillard qu’après l’avoir obligé de se séparer de son plus intime confident et de son meilleur serviteur il avait tout mis en branle à la fois, à Paris par la scène faite à Caprara, à Rome par l’ultimatum qu’avait notifié M. Alquier, à Civita-Vecchia et à Ancône par les ordres récens expédiés à ses lieutenans. Il attendait beaucoup de cette intervention de la force brutale dans ses démêlés avec le Vatican. La prise de possession des villes du littoral romain, la confiscation des marchandises anglaises dans tous les ports du saint-siège, la saisie des principaux revenus du pape, formaient un ensemble de procédés comminatoires dont l’effet lui semblait devoir être irrésistible. Il insiste souvent dans sa correspondance avec le vice-roi d’Italie sur l’impression qu’en ressentira le saint-père à cause du déplorable état de ses finances. Personne n’en connaissait en effet mieux que lui l’extrême pénurie. Il savait parfaitement, quoiqu’il lui plût de n’en pas convenir, que les avances faites pour l’entretien de l’armée

  1. Ordre du général Duhesme à Mgr Negreta, gouverneur de Civita-Vecchia, 21 juin 1806.
  2. Dépêche de Mgr Negreta, gouverneur-général de Civita-Vecchia, au cardinal Casoni, 8 août 1806.
  3. Lettre du général Duhesme à M. Negreta, 18 août 1806.
  4. Protestation du gouverneur-général de Civita-Vecchia, 23 août 1806.