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l’ombre ces rapprochemens auxquels la fantaisie n’a point de part, et qui servent à provoquer les plus salutaires réflexions. Quels conseils valent ceux qui se passent aisément d’interprète ! Les intelligences élevées et les âmes un peu fières n’ont jamais aimé qu’on leur adressât de publiques remontrances ; elles sont moins rebelles aux tacites leçons qui s’offrent sans intermédiaire et s’imposent directement par leur propre autorité. A l’histoire seule il appartient d’en donner de semblables, et ceux-là nous semblent surtout tenus de prêter l’oreille la plus attentive à ses discrets avertissemens, qui, prenant ailleurs que sur cette terre, dans les préceptes d’une religion divine, la règle de leur conduite, se croient par cela même en droit de ne se laisser diriger par personne.

Parmi les ministres des religions qui vivent en présence sur le sol de la France, les membres du clergé catholique nous semblent particulièrement intéressés à se rendre un compte exact du conflit engagé pendant l’empire entre l’église romaine et l’état, conflit ardent et prolongé dont les détails leur sont pour la première fois révélés ici sans réticence. Napoléon, sans doute parce qu’il les considérait comme nuisibles à sa réputation, a jugé bon de faire brûler à Rome par le général Miollis, à Paris par le chef des archives de l’ancienne secrétairerie d’état, un grand nombre de papiers relatifs à ses démêlés avec le saint-siège ; mais les doubles authentiques de ces curieux documens ont échappé à la destruction. Au moment où nous nous en servons pour dévoiler les procédés excessifs de l’empereur à l’égard du pontife qui l’avait quelques années auparavant sacré à Notre-Dame, fallait-il affecter d’ignorer d’autres pièces qui révèlent les protestations obséquieuses, les flatteries excessives dont la plupart des dignitaires de l’église de France n’ont point cessé d’entourer à cette époque le souverain qui a fini par retenir prisonnier à Savone le chef de leur foi ? La vérité historique n’admet point de semblables complaisances, et nous aurions d’ailleurs rendu le plus détestable service aux évêques du régime actuel, si nous les avions privés des enseignemens qui résultent pour eux des erreurs et des fautes jadis commises par ceux qui les ont précédés dans leurs fonctions religieuses.


I

Lorsque, par suite des exigences de l’empereur Napoléon, le cardinal Consalvi quittait la secrétairerie d’état (17 juin 1806), le cardinal Fesch avait déjà été rappelé de Rome. Ainsi que nous l’avons raconté[1], tous deux avaient été incontinent remplacés, le

  1. Voyez la Revue du 15 juillet 1867.