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des communes fit son devoir. L’impertinent projet fut traité comme il le méritait : on le balaya par une série de votes.

Ce qui n’est pas moins pratique, il ne vient à l’idée d’aucun des membres de la chambre des lords de réclamer rien qui ressemble à l’immunité devant l’impôt. Quand l’heure d’une réforme a sonné et que l’opinion publique la réclame avec force, la chambre des lords se décidé à l’accomplir de ses mains, alors même que les intérêts de ses membres devraient en souffrir, ou que les idées de sa majorité en seraient fortement contrariées. En 1832, alors qu’il s’agissait de la première réforme électorale qui devait diminuer dans une forte proportion son influence sur la composition de la chambre des communes, la chambre des lords sut se résigner, elle vota la loi. Il fallut beaucoup l’en solliciter, l’en conjurer ; mais elle vota. De même, en 1846, lorsqu’il fut question de modifier profondément l’ancienne législation douanière sur les céréales, qu’elle avait lieu de croire très favorable à ses intérêts pécuniaires, elle sut faire le sacrifice. On a dit, et M. Bagehot n’est pas éloigné de le penser, que cette double conversion avait été entièrement l’œuvre personnelle du duc de Wellington, qui, sans être, dans son for intérieur, plus partisan des deux lois que les autres pairs, céda par respect pour la couronne, qui avait manifesté sa volonté, et en se prononçant entraîna l’assentiment de la majorité. Il est à croire en effet que la résignation de la chambre des lords est dans les deux occasions venue par cette voie ; mais au fond il y a de grandes ressources dans l’esprit patriotique de cette chambre, et on est toujours autorisé à penser que dans les circonstances graves ce mobile la dirigera, nonobstant ses intérêts propres. Aujourd’hui qu’elle n’a plus dans son sein personne qui y jouisse d’une autorité comparable à celle de Wellington, elle n’en a pas moins voté, l’été dernier, une seconde loi de réforme qui est autrement radicale que la première, celle de 4832. Dans un premier mouvement de dépit, elle avait adopté un amendement qui restreignait notablement les changemens résolus par la chambre des communes ; mais peu de jours après elle s’est ravisée, et le vote imprudent a été effacé par une nouvelle délibération. La chambre des pairs d’Angleterre sait très bien qu’elle ne forme point un état dans l’état, qu’il ne lui est pas possible de se séparer de la masse de la nation. Ce sentiment qu’elle éprouve fortement aujourd’hui n’est pas une nouveauté chez elle ; elle a toujours eu à cœur de montrer qu’elle faisait un même corps avec toutes les autres classes. En cela, les autres aristocraties, celles du continent, lui ont été absolument inférieures. L’aristocratie française, entre autres, s’indignait à l’idée que les roturiers fussent de la même pâte qu’elle, et elle a succombé par son obstination à séparer sa cause et ses droits de la cause et des droits du