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L’effet de la révolution de 1688 avait été de consacrer l’omnipotence du parlement au détriment de la prérogative de la royauté, qui, dans la personne des Stuarts, avait affecté le pouvoir suprême et s’était targuée de régner en vertu du droit divin. L’Angleterre prit alors une direction opposée à celle des autres monarchies européennes. Parmi celles-ci, toutes celles qui comptaient étaient des états catholiques : c’était la France, l’Autriche et l’Espagne. Le droit divin s’y était affirmé, vers ce temps-là, avec une raideur et une intolérance sans égales. Les princes s’y regardaient comme des demi-dieux et voulaient être traités comme tels. La liberté politique y était représentée comme un sacrilège et une rébellion. Les souverains avaient promulgué les doctrines que récemment nous avons vues dans le syllabus, car il est à remarquer que sous le rapport politique le syllabus n’est que le rappel des théories politiques officielles qui florissaient dans les conseils des principaux gouvernemens continentaux de l’Europe au XVIIe siècle et qui continuèrent leur domination funeste jusqu’à ce que la révolution française en interrompît le cours. La révolution de 1688 fut donc un déplacement du pouvoir, au rebours de ce qui se passait dans les grandes monarchies du continent, déplacement avantageux pour l’Angleterre, tandis que l’organisation politique consolidée dans le XVIIe siècle chez les grandes nations du continent fut, de la part des princes, une usurpation fatale. Sous les rois de la maison de Hanovre, qui étaient des étrangers hors d’état de parler la langue de leurs sujets et ayant besoin de l’appui des personnages importans du parlement pour se soutenir, la subordination effective de la royauté se poursuivit tout naturellement. Cependant l’influence de la nation anglaise proprement dite sur la marche des affaires publiques était fort restreinte à cette époque. L’aristocratie dominait. Par les bourgs pourris, par son patronage et par d’autres moyens indirects et très variés, la chambre des pairs disposait de l’autre branche du parlement, la chambre des communes. Cet état de choses a subsisté jusqu’à la réforme parlementaire de 1832, qui fit passer une notable partie du pouvoir à la population des villes, devenues si importantes par leurs manufactures toujours croissantes ainsi que par leur population et leur richesse, dont le progrès avait suivi celui de la fabrication. C’est alors qu’a commencé, pour se continuer plus tard, un autre déplacement, celui-ci au profit de la bourgeoisie et des artisans, personnifiés dans la chambre des communes.

Sous l’empire de diverses circonstances accidentelles, la royauté, tant diminuée avec les deux premiers George et même sous Guillaume d’Orange, était redevenue puissante, trop puissante sous George III, du temps où ce prince jouissait de ce qu’on appelait