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travail, sur toute chose enfin, une action continue, indéfinie. Et ainsi avec le temps ses effets sur les individus et sur les nations deviennent incalculables. Par réaction contre les aberrations des Stuarts, l’influence du protestantisme devint en 1688 exclusive et oppressive. Le parlement vota contre le catholicisme des lois qui formaient le pendant des mesures de Louis XIV contre les protestans, et qui probablement furent inspirées par celles-ci ; mais, sur le rivage septentrional du détroit, ces lois draconiennes tombèrent bientôt en désuétude ou furent révoquées. Il n’en resta que l’incapacité politique des catholiques, iniquité qui dura près d’un siècle et demi[1]. Sur le terrain de la religion tout autant que sur celui de la politique, Guillaume fut, du premier jour où il s’assit sur le trône, l’adversaire inébranlable de Louis XIV, qui prétendait imposer au monde entier l’absolutisme religieux en même temps que l’absolutisme politique, dont il avait réinventé les maximes les plus offensives. Guillaume s’était donné cette mission avant d’être fait roi d’Angleterre. Il ne fut choisi par le parlement que parce qu’il s’était déclaré tel.

Il faudrait fermer les yeux à la lumière pour contester que la constitution de l’Angleterre, émanation du principe politique du self-government et reflet du principe religieux du libre examen, qui a fini par enfanter son produit naturel, la pleine liberté des cultes, a contribué pour la plus grande part à la formation de la puissance britannique, telle qu’elle apparaît de nos jours. Aujourd’hui l’Angleterre possède des territoires d’une très grande étendue dans toutes les parties du monde, et les occupe, non de la manière dont les Mexicains, par exemple, détenaient la Californie, en maîtres négligens et paresseux, ayant des yeux pour ne rien voir des trésors de tout genre offerts par la nature, mais bien en hommes pleins d’intelligence et d’amour du travail, fécondant tout autour d’eux, et habiles à pratiquer le précepte de la Bible : « croissez et multipliez. » Ces vastes possessions, exploitées avec savoir, persévérance et courage, se déploient en Asie, en Amérique, dans la Polynésie et même en Afrique. Un fragment détaché de cet empire compose maintenant, sur le continent américain, une nation indépendante qui par la rapidité de sa croissance étonne le monde, et semble devoir avant un siècle présenter une agglomération homogène dont la pareille n’aura pas existé. Ici encore c’est le même esprit, celui du self-government et de l’entière liberté des cultes, qui peut revendiquer l’honneur de la paternité.

Ce serait s’abuser beaucoup que de supposer qu’il suffise de

  1. L’émancipation des catholiques est de 1820. Elle eût été votée beaucoup plus tôt sans l’obstination de George III, qui sur ce point tint en échec ses ministres et Pitt lui-même.