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cière. Il faudrait qu’il y apportât plus que jamais quelque chose de cette férocité que M. Thiers, avec un aimable enjouement, trouvait en lui insuffisante. Pour être bon ministre des finances, il faut aujourd’hui être doué d’une invincible force, de résistance. On a dans cette matière ajourné toutes les difficultés. La ressource qui a été mise en pratique depuis seize ans a toujours été de reculer les charges sur l’avenir. Tous les cinq ans, les embarras accumulés obstruent la route, et on est dans la nécessité de faire pour les surmonter un effort héroïque. Il paraît cette fois difficile que M. Magne se puisse tirer d’affaire par autre chose qu’un emprunt. On est à l’échéance de liquidations que la plus vulgaire prudence ordonne d’accomplir, et où tout mène à la nécessité d’emprunter. Nous espérons que l’esprit net de M. Magne est à l’abri des fumées de ces emprunts onéreux et dangereux que d’étranges sectaires appellent les emprunts de la paix ; mais il y a de nombreux règlemens qu’il est urgent d’accomplir. On ne peut laisser subsister la somme des découverts au chiffre indiqué par M. Rouher dans la dernière session, et qui depuis a dû infailliblement grossir, sans s’exposer de gaîté de cœur aux plus graves périls. Aux désastres de l’expédition du Mexique, il serait impolitique et injuste que le gouvernement laissât survivre les conséquences de la banqueroute dont souffrent les souscripteurs des emprunts mexicains engagés sur la foi des encouragemens les plus pressans et sur l’amorce des plus séduisantes promesses. Enfin il est impossible qu’un ministre des finances sensé puisse laisser dans l’état où elle est arrivée la dette flottante de la ville de Paris, représentée dans la plus grande partie par les émissions des obligations communales du Crédit foncier. Le péril que nous signalons de ce côté depuis plusieurs mois a fini, paraît-il, par frapper le gouvernement, et on nous assure qu’une des premières mesures qui seront présentées au commencement de la session aura pour objet de régulariser la situation financière de la ville de Paris au point de vue de la légalité et de la durée de ses engagemens, puisqu’il est maintenant trop tard pour en diminuer l’importance et l’étendue. M. Magne va donc se trouver aux prises avec des nécessités d’emprunts diverses et pressantes, il sera dans les premiers temps un ministre fort occupé ; mais il peut rendre encore de grands et opportuns services, s’il n’est pas traversé par des événemens contraires, et s’il ne se laisse point dominer par des influences imprévoyantes et impérieuses.

L’Espagne vient de faire une perte considérable et prématurée dans la personne du maréchal O’Donnell. Certes le duc de Tetuan, qui a tenu le pouvoir pendant un temps qu’on peut regarder comme long en présence des vicissitudes ministérielles de l’Espagne, n’a point réussi à rétablir l’assiette de son pays. Cependant il avait eu le mérite de tenter à l’origine une combinaison d’heureuse apparence, l’union libérale. La pensée de rapprocher les confins de l’opinion modérée et de l’opinion progressive méritait un meilleur sort. Faut-il accuser de l’échec le peu