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gable les persécutions dirigées contre les catholiques polonais. L’intérêt prussien n’est point de laisser l’Italie en proie à l’anarchie qu’entretient la question romaine. L’intérêt autrichien se redresse aujourd’hui contre les usurpations commises, grâce au concordat, par le pouvoir religieux sur le pouvoir civil et politique ; dans l’effort qu’elle tente pour se sauver par l’établissement d’institutions intérieures libérales et modernes, la monarchie autrichienne poursuit une tâche analogue à celle de l’Italie, et ne pourrait, sans se démentir elle-même et se vouer a une inextricable confusion, prendre parti pour Rome contre les vœux de la nation italienne. Ne serait-il pas chimérique d’imaginer que l’Angleterre, qui a fait pour elle-même, il y a plus de trois siècles, ce que les Italiens veulent accomplir chez eux aujourd’hui, pût contredire la conclusion posée par M. Ménabréa ? L’Angleterre est par excellence le pays de la liberté civile et religieuse ; elle affecte de ne prendre aucune responsabilité dans nos désordres continentaux, entretenus par les efforts de ce qui survit chez nous d’intérêts et d’esprit contre-révolutionnaires ; elle a en ce moment pour ministre des affaires étrangères l’homme d’état le plus positif, le plus exact, le plus scrupuleux de notre époque, lord Stanley, et l’on irait croire qu’elle serait capable de se prêter à un replâtrage du pouvoir temporel ! On peut affirmer que la conclusion de M. Ménabréa ne rencontrera aucune contradiction qui puisse être appuyée par la majorité des puissances européennes.

Mais si les intérêts et les situations données des divers états européens sont opposés aux combinaisons dans lesquelles on chercherait des garanties de durée permanentes pour le pouvoir temporel de l’église, les principes fondamentaux de la politique française y sont encore plus contraires. La France ne serait plus rien dans le monde, si, dans des questions où la civilisation tout entière est intéressée, elle reniait les grands principes de la révolution. Or une des œuvres les plus considérables de la révolution française n’a-t-elle point été chez nous la séparation du spirituel et du temporel ? La France ne s’est-elle point affranchie, elle aussi, du pouvoir temporel ? Que l’on songe à ce qu’était l’organisation de l’église dans notre ancien régime. L’église y avait plusieurs des élémens principaux du pouvoir temporel. Elle formait un des trois grands ordres de l’état ; elle avait la mainmorte ; elle était maîtresse de l’état civil des citoyens ; elle jouissait d’immunités et de privilèges judiciaires ; elle avait des réunions périodiques et fréquentes. Les assemblées du clergé votaient la part qu’elles voulaient bien prendre aux charges publiques, et appelaient leur contribution du nom superbe de don gratuit. Dans les pays d’états, l’église dominait les autres ordres. Dans ses assemblées générales et dans celles des états, elle employait toute son influence politique à faire prévaloir les maximes et les pratiques d’une intolérance inhumaine et absurde. Combien de gens croyaient encore, à la veille de la révolution française, que ces odieux attributs étaient nécessaires au