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oublié vite, et qu’il n’eût point la maligne influence de provoquer de longs ressentimens entre deux nations qui ne semblent point faites pour se haïr. Nous souhaiterions que la promptitude du coup porté au mouvement des volontaires rendît au moins à la France le service d’abréger son intervention.

La besogne militaire est, grâce à Dieu, terminée ; c’est la besogne diplomatique qui commence. L’idée de réunir une conférence européenne qui serait chargée de régler un état de choses définitif entre l’Italie et la papauté temporelle a été émise par le gouvernement français au même moment où il annonçait et exécutait son intervention. Ce projet était le correctif de notre nouvelle expédition de Rome ; il montrait que le cabinet des Tuileries ne voulait point prendre exclusivement à sa charge l’avenir du pouvoir temporel ; on semblait dire à l’Europe qu’il s’agissait là d’un intérêt d’ordre universel, et qu’il fallait attacher à la situation de Rome une garantie collective et commune de tous les états. Si l’on parvenait à résoudre de concert ce difficile problème, l’Italie et la papauté pourraient s’incliner devant une décision unanime sans rien souffrir dans leur honneur, sans aucune apparence de soumission à la pression d’une seule puissance, en remplissant en quelque sorte un devoir de bonne confraternité européenne. C’était aux états réunis de l’Europe de tenter l’entreprise. Si l’accord était impossible, la conséquence implicite de l’avortement de cette vaste transaction diplomatique serait le dégagement des responsabilités de la France dans la question romaine ; la France cesserait d’être garante unique des destinées du pouvoir temporel ; elle ne soutiendrait plus toute seule la lutte contre la nature des choses.

Ce qui est en question en ce moment, c’est donc un acte collectif européen duquel dépendra la fin de la querelle pour laquelle on vient de verser encore du sang presque aux portes de Rome. Le doute qui subsiste est de savoir si la conférence qu’on veut réunir pourra en effet se former, et si ses délibérations pourront aboutir à une conclusion unanimement acceptée. Cet appel au concile œcuménique de la diplomatie européenne a, il ne faut point se le dissimuler, un caractère grandiose, L’empereur, qui, il y a un an et demi, parlait avec tant de défaveur des traités de 1815, qui avaient créé un droit commun en Europe, comprend aujourd’hui que, pour résoudre la question romaine, il est nécessaire de la soumettre à un tribunal de droit public composé de toutes les puissances signataires du congrès de Vienne. Il convoque à la conférence les puissances catholiques et les puissances protestantes on schismatiques, les grands et les petits états. Tout le monde est invité, L’Espagne et le Portugal comme la Suède et le Danemark, les états neutres eux-mêmes, doivent être présens à la délibération. On y appelle la Belgique, et nous ne voyons pas pourquoi on n’y ferait point place à la Suisse. Nous le répétons, le dessein ne manque pas de grandeur. Est-il pratique ? Pourra-t-il conduire à des résultats positifs ? Ici commencent