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démocrates, ce sera un démocrate mitigé qui n’aura de son parti que le nom.

Les républicains joueront encore un grand rôle ; ce sont les radicaux dont la fin nous paraît prochaine. Encore une année, et ils auront probablement terminé leur œuvre ; encore deux années, et ils cesseront d’exister comme parti. Ils redeviendront ce qu’ils étaient avant la guerre, une poignée d’hommes éloquens et énergiques, prêts à se dévouer à toutes les grandes causes et à répondre à l’appel de leur pays dans les momens difficiles. Les radicaux ne sont pas un parti régulier qui puisse demeurer longtemps au pouvoir. Ils apparaissent dans un jour de crise pour exercer une dictature passagère qui dure aussi longtemps que le danger ; ils ne font rien que réformer et détruire, et ils quittent le pouvoir lorsqu’il n’y a plus rien à détruire ou à réformer. La nation leur a obéi parce qu’elle avait besoin de leurs services ; elle les a suivis sans partager leurs doctrines, et elle les abandonne aussitôt qu’ils deviennent eux-mêmes un obstacle à son repos.

En faisant ici leur oraison funèbre, notre intention n’est pas de méconnaître les grandes choses qu’ils ont faites. Ce sont les républicains radicaux qui ont sauvé les États-Unis de la guerre civile. Eux seuls ont pu abolir l’esclavage sans s’exposer au reproche d’une palinodie intéressée ; eux seuls ont pu dire aux sudistes avec l’autorité de la logique : « Vous êtes des rebelles, nous vous réduirons par les armes et nous vous châtierons comme des criminels. » Eux seuls ont pu leur répéter, au lendemain de la victoire, quand ces vaincus prétendaient rentrer sans conditions dans la jouissance de leurs anciens droits : « Vous êtes un pays conquis ; votre insurrection est autre chose qu’une simple émeute temporaire, qui ne laisse pas de trace après elle. Vous avez formé un gouvernement, arboré un drapeau, fondé une constitution. Vous avez annulé vous-mêmes vos anciens privilèges, et vous ne rentrerez dans l’Union qu’après nous avoir donné des garanties certaines de votre fidélité et de votre soumission. » Eux seuls ont pu empêcher l’oligarchie de renaître de ses ruines et de rétablir sous un autre nom l’odieuse institution qu’ils avaient détruite. S’ils ont abusé de leur toute-puissance passagère pour imposer aux vaincus des conditions trop rudes et pour précipiter en quelques jours une révolution sociale que la prudence ordonnait de conduire avec lenteur, il ne faut pas oublier qu’ils s’appelaient le parti radical, qu’ils ne prétendaient pas à la modération ni à la douceur, et que leur rôle était de frapper les abus sans relâche jusqu’à ce que le pays fût satisfait.

On leur a fait d’autres reproches. On a dit que pendant leur règne éphémère ils avaient porté à la liberté américaine des coups