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le voudrait, qui donc lui en donnerait la force ? Est-ce le gouverneur Swann du Maryland et sa milice volontaire, à laquelle le général Grant a refusé, par précaution, de livrer des canons ? Sont-ce les états du sud humiliés et désarmés ? Le congrès peut dormir tranquille sur la foi des institutions qui le protègent et qui ne seraient pas violées impunément. C’est l’année prochaine que la bataille sera livrée, bataille régulière et pacifique, qui s’appellera l’élection du président.


VII

Est-il permis dès à présent d’augurer quel en sera le vainqueur ? Devons-nous voir dans ce déclin momentané de l’influence républicaine le signe avant-coureur d’une de ces grandes réactions de l’opinion populaire qui surviennent bien souvent à la fin des révolutions, et qui détruisent quelquefois en un jour l’ouvrage laborieux de plusieurs années ? Faut-il n’y voir au contraire que l’effet passager des excès inévitables de la faction radicale ? Le parti qui a soutenu la guerre civile et aboli l’esclavage continuera-t-il à dominer dans l’Union reconquise malgré les efforts combinés des démocrates et des hommes du sud ? ou bien ceux-ci vont-ils relever leur majorité détruite et rentrer à la présidence après huit ans d’exil ?

Telle est la question qui agite en ce moment les États-Unis, et à laquelle chacun répond suivant ses intérêts ou ses désirs. Les démocrates s’écrient que le parti républicain est condamné, que la réaction va se prononcer chaque jour davantage, que le peuple élira l’année prochaine un président conservateur. — Il est visible pour tout le monde que les forces des républicains ont baissé. Si la réaction ne s’arrête d’elle-même, il n’est pas probable que les radicaux fassent rien pour la modérer, et le succès des démocrates est alors certain ; mais est-il vrai que l’opinion publique ait changé ? Est-il vrai que la politique du président Johnson soit tout à coup devenue populaire parmi ceux qui la repoussaient l’année dernière avec tant de mépris ? Est-il vrai que le parti républicain ait renié ses anciennes croyances pour adopter d’un jour à l’autre celles de ses ennemis ?

Tel n’est pas, à notre avis, le sens qu’il faut donner aux élections de cette année. Le peuple des États-Unis n’abjure aucune des opinions qu’il a professées pendant la guerre, aucun des principes auxquels il rendait l’année dernière un éclatant hommage, et sur lesquels il voulait fonder la reconstruction des états du sud. Si son opinion a changé, elle s’est plutôt rapprochée qu’éloignée des idées radicales. Ce sont les événemens qui ont marché encore plus vite qu’elle, et qui l’ont tellement devancée qu’elle hésite