Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessous ; mais les majorités démocratiques sont loin d’être aussi fortes qu’on l’avait cru. Dans la Pensylvanie, où les démocrates comptaient l’emporter sur leurs adversaires de plus de 9,000 voix, ils n’ont réussi qu’avec un excédant de 922 à peine ; Dans l’Ohio, où ils se vantaient d’accabler les radicaux, ils ont pour eux le plus grand nombre des circonscriptions électorales ; mais sur l’ensemble du vote populaire le candidat radical a été nommé gouverneur avec 3,000 voix d’avantage. Dans l’Iowa, la majorité radicale, quoique réduite, est encore accablante. Quant à New-York et à New-Jersey, qui viennent de revenir aux démocrates, c’étaient pour le parti républicain deux conquêtes récentes, qui devaient lui échapper à la première secousse. D’ailleurs des questions spéciales ont aliéné temporairement aux républicains des milliers de voix habituellement fidèles. L’interdiction de la vente des liqueurs fortes, réforme maladroite et puérile dont ils sont depuis deux ans les promoteurs, leur a enlevé plus de partisans que l’établissement de la dictature militaire et le traitement du sud en pays conquis. Tel s’est trouvé voter pour la franchise électorale des rebelles qui n’avait l’intention de donner son suffrage qu’à la liberté de la bière et de l’eau-de-vie. Tel a suivi ses préférences personnelles dans le choix d’un alderman ou d’un juge qui se retrouvera fidèle à ses opinions et à son parti quand il s’agira de choisir un membre du congrès ou un président des États-Unis.

La majorité républicaine est affaiblie, mais elle n’est pas détruite. Le pays ne désavoue pas encore le mandat qu’il a donné à ses élus. Le congrès va se réunir, non pas pour faire amende honorable ni pour transiger, mais pour achever de consolider son ouvrage. Les radicaux ne se laissent pas abattre. Wendell Phillips déclare qu’il faut « étrangler le président et nettoyer le cabinet, ce nid d’oiseaux malpropres. » En apprenant le résultat des élections, Thaddeus Stevens s’est écrié : « Je remercie Dieu de notre défaite ! Les républicains ont agi comme des lâches, et ils ont eu le destin des lâches ! » Il annonce que l’impeachment est aujourd’hui chose inévitable, et que le congrès y joindra une loi pour suspendre le président de ses pouvoirs pendant le temps même de l’accusation. En ce cas, les radicaux gouverneront dans la personne de M. Wade, président du sénat, appelé par la constitution à succéder au président des États-Unis ; mais cette mesure violente ne pourrait plus que leur nuire, et il n’est pas vrai que leur sûreté l’exige. Ils peuvent faire grâce au président pendant la dernière année qui lui reste à vivre. En dépit des analogies tirées de l’histoire européenne, il n’essaiera pas de ressaisir son influence par un coup d’état. Ce procédé n’est pas à la mode dans les républiques anglo-saxonnes comme dans les républiques espagnoles ou latines. Quand même il