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Nouvelle-Angleterre, à affronter les orages d’une réception officielle dans cette ville de Boston, quartier-général du radicalisme, et il avait été fort étonné de recevoir un accueil peut-être un peu tiède, mais du moins solennel et respectueux. Le peuple de la Nouvelle-Angleterre l’avait vu lui-même avec surprise affecter un maintien réservé et tenir un langage qui était presque le désaveu de sa politique passée. « Mes erreurs, avait-il dit, s’il est vrai que je me sois trompé, sont des erreurs de la tête et non pas du cœur ; nous serons mieux d’accord quand nous nous connaîtrons mieux : » langage bien calculé pour endormir la vigilance des radicaux pendant qu’il déjouerait leurs efforts dans les états du sud, leur arracherait les fruits de leur conquête et reconstituerait à son profit l’ancienne majorité démocratique abattue il y a sept ans.

Le sud était en effet le véritable champ de bataille où allaient se décider l’avenir et la puissance des partis ; c’était là qu’il fallait vaincre, comme autrefois dans le far west, pour s’assurer les majorités futures et la suprématie dans le gouvernement de l’Union. Tout dépendait maintenant de l’attitude des nouveaux gouvernemens fondés sous les auspices de l’autorité fédérale, comme tout avait dépendu jadis des principes inoculés aux nouveaux états de l’ouest dès leur naissance. Ainsi s’explique l’acharnement singulier avec lequel républicains et démocrates se disputaient les états du sud. Quand les républicains se montraient animés d’une si forte passion pour la race noire, quand ils voulaient qu’à peine échappée de l’esclavage elle s’élançât d’un bond jusqu’au pouvoir, quand ils insistaient pour qu’il y eût des jurés noirs, des magistrats noirs et surtout des électeurs noirs en bien plus grand nombre que les blancs, ce n’était pas tant par un sentiment désintéressé de fraternité humanitaire que par un puissant intérêt, par cette nécessité qui s’impose à tous les partis de s’étendre pour se maintenir. Quand les démocrates s’obstinaient à défendre contre les radicaux les derniers souvenirs de l’esclavage et la suprématie des blancs, ce n’était pas tant par amour des hommes du sud que par le besoin de grossir les rangs éclairés des conservateurs opiniâtres dont le sud avait toujours été la citadelle. Si les radicaux l’emportaient avec l’appui des noirs, c’en était fait pour longtemps de toutes les espérances des démocrates. Leur unique chance était de faire nommer dans le sud des députés conservateurs en grand nombre et d’en inonder le congrès ; mais cette politique souterraine exigeait des précautions infinies, et le président venait de commettre une grande imprudence en la dénonçant lui-même au pays.

Les radicaux d’ailleurs étaient trop vigilans pour qu’il fût possible de les endormir. Ils observaient tous ses actes, incriminant ceux qui pouvaient nuire. Déjà un exemple de clémence devenu