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de l’humanité et de la liberté universelle. » Il se rassied épuisé de fatigue, et le projet de loi est voté à une majorité de 109 voix contre 55. « Je demande, s’écrie le vieux Thad avec joie, je demande à répéter ici les paroles du bon vieux Socrate : Le ciel règne encore, et il y a des dieux là-haut ! » Il s’évanouit en sortant de la séance.

La majorité radicale avait ressaisi tout son empire à la chambre des représentans ; mais la victoire fut moins facile dans le sénat. M. Sumner vint, avec une certaine arrogance, accuser la lenteur de ses collègues et leur reprocher de négliger leur devoir. M. Conness lui répondit par des mots acerbes, qui égarèrent quelque temps la discussion. M. Williams, de l’Oregon, exposa le projet de loi ; mais il ne put faire voter la question préalable. Pendant deux jours, les chefs des démocrates, MM. Dixon, Doolittle, Saulsbury, firent bravement face à l’orage. Les tribunes étaient pleines de monde, et la foule se battait aux portes ; les démocrates, chose inusitée, furent applaudis à outrance. Enfin les radicaux se décidèrent à faire quelques concessions ; ils préparèrent des amendemens qui furent votés le lendemain après une séance tumultueuse prolongée pendant toute la nuit.

Ces amendemens adoucissaient notablement le projet de la chambre : d’abord la nomination des cinq commandemens militaires était confiée au président même et non plus, comme dans le projet primitif, au général Grant ; ensuite la suspension de l’habeas corpus était réservée aux cours des États-Unis. On y ajoutait un article nouveau : quand les états du sud auraient adopté des constitutions conformes à celles des États-Unis, quand ils auraient aboli toute distinction politique pour cause de race ou de couleur, quand ces constitutions auraient été ratifiées par le suffrage universel, quand en outre l’état reconstitué aurait adopté l’amendement constitutionnel, on leur accorderait un dédommagement et une récompense. Les députés de l’état ne seraient pas encore introduits de plein droit dans le congrès ; mais la nouvelle constitution lui serait soumise, et si elle méritait son approbation, les représentans et les sénateurs pourraient être admis dans les chambres.

Ces conditions, encore assez dures, excitèrent pourtant une grande colère à la chambre quand le bill y revint chargé des amendemens du sénat. D’après M. Boutwell, voter une pareille loi, c’était abandonner la partie aux déloyaux et aux rebelles. Thaddeus Stevens déclara franchement qu’il n’était pas « impatient de presser dans ses bras les hommes du sud, ni désireux de les voir joindre leurs votes à ceux de certaines gens pour nommer l’année prochaine un président de leur façon. » M. Garfield s’écria qu’il voulait le projet primitif, le projet tout entier, « parce qu’il prenait à la gorge et qu’il